Devenir trader : voici l’exercice que je demande en entretien d’embauche, seulement 8% de réussite

Gary Hubert
Gary Hubert
Analyste financier
Rien ne prépare vraiment à cet instant où les candidats se retrouvent face à un dilemme économique en temps limité.

Lorsqu’on évoque le métier de trader, ce sont souvent les écrans de cotations et les ordres fulgurants qui viennent en tête. Mais la réalité d’un recrutement dans ce secteur, où la pression est constante, repose sur bien plus que la rapidité d’exécution. En discutant avec plusieurs recruteurs spécialisés en finance de marché, un exercice sort du lot. Un test qui, malgré sa simplicité apparente, ne laisse passer que 8% des candidats. Ce dernier vous est présenté plus bas dans cet article.

Le filtre subtil des entretiens en trading

Dans un secteur aussi compétitif que la finance de marché, les cabinets et desks de trading n’embauchent jamais au hasard. Il ne suffit pas de connaître les théories de portefeuille ou de suivre Bloomberg du matin au soir. Ce coup d’œil avisé, cette capacité à raisonner vite sous contrainte de risque, voilà ce qu’ils cherchent à capter en entretien.

Et certains recruteurs ne se privent pas de le dire tout haut, comme l’un d’eux que j’ai rencontré à Londres, dans un bureau discret près de Bank Street :

« Devenir trader ? Voici l’exercice que je demande en entretien d’embauche. Seuls 8% s’en sortent avec une stratégie valable. Ce n’est pas seulement du calcul, c’est une lecture fine du risque. »

Ce taux de réussite n’est pas là pour faire peur. Il illustre la difficulté à équilibrer rendement potentiel et probabilité de perte. Et c’est précisément ce dilemme qui est posé dans l’exercice mentionné plus bas.

Pourquoi tester sous forme de scénario concret ?

Ce format a plusieurs avantages très concrets :

  • Il évite l’effet “récitation de cours” en obligeant les candidats à structurer une vraie stratégie.
  • Il révèle rapidement ceux qui comprennent la notion de distribution de rendements, plutôt que de ne penser qu’en résultat moyen.
  • Enfin, il différencie les bons communicants des vrais analystes décisionnels : seul un candidat sur douze formule une allocation cohérente à la double contrainte posée.

Entre mathématiques et psychologie du risque

Le défi repose sur un paradoxe fréquent en trading : on veut maximiser l’espérance de gain tout en gardant une probabilité élevée de ne pas perdre sur une courte période. Ce que beaucoup négligent, c’est qu’il ne s’agit pas ici d’un espoir lointain de rendement annualisé — mais d’un résultat sur 24 heures.

Ce test inclut trois actifs : deux actions aux comportements volatils différents, et une obligation à revenu fixe. Chaque combinaison induit un compromis. Tenter sa chance avec la volatilité maximum expose à un risque d’effondrement. À l’inverse, tout miser sur la stabilité limite brutalement la performance.

Comme nous le verrons plus bas, la plupart des candidats tombent dans l’un de deux pièges classiques : un excès de prudence réducteur, ou une prise de risque sous-contrainte mal quantifiée. Peu identifient la frontière efficiente entre les deux.

Une approche modélisable, mais peu modélisée

Certains candidats optent pour une répartition à parts égales, supposant que la diversification suffit. D’autres calquent leur raisonnement sur la loi des grands nombres — absurde à l’échelle d’une journée. Le test ne mesure pas la capacité à anticiper un scénario précis, mais à identifier une construction de portefeuille robuste face à l’aléa.

J’ai pu lire une cinquantaine de copies anonymisées de candidats à un poste junior sur un desk de produits dérivés chez une grande banque parisienne. Moins de cinq s’approchaient d’une solution justifiable. Là où beaucoup échouent, c’est en négligeant de quantifier ce qui peut être probabilisé.

La réalité du métier derrière le test

Un bon trader passe sa journée à formuler des décisions sous-optimales court terme pour optimiser son résultat net sur la courbe de risque. C’est exactement ce que teste cet exercice. Le but n’est pas d’avoir raison, mais d’avoir plus souvent raison que tort, et surtout, que le tort coûte moins cher que le gain obtenu quand on a raison.

Et c’est sur cette base que l’exercice fait figure de cristallisation des compétences recherchées. En voici maintenant l’intégralité :

Consigne
  1. Un trader possède un portefeuille fictif de 100 000€, et doit choisir entre trois actifs financiers pour générer un rendement maximum sur une journée, en tenant compte des marges de sécurité, des leviers possibles et de la volatilité.
  2. Voici les trois options :
    • Action A : volatilité élevée (+/-10%), levier x3 autorisé.
    • Action B : volatilité moyenne (+/-5%), levier x2 autorisé.
    • Obligation C : rendement fixe de 0.5%, aucun levier autorisé.
  3. Le trader veut maximiser son espérance de rendement tout en gardant une probabilité d’au moins 70% de ne pas perdre d’argent sur la journée. Il peut allouer tout ou partie de son capital dans un ou plusieurs actifs.

Quelle stratégie d’allocation (entre les trois actifs) optimise le rendement attendu sous contrainte de risque, et justifiez ce choix ?

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