Je me suis rendu dans le Berry, précisément sur un terrain agricole d’apparence ordinaire situé entre la Creuse et l’Indre. Ce site pourrait marquer un tournant inattendu pour la France : il renfermerait, selon plusieurs sources concordantes, près de 34 millions de tonnes de lithium. Une estimation qui place ce gisement bien au-dessus de toutes les réserves connues en Europe, et qui suscite déjà débats et inquiétudes.
Un trésor sous les terres agricoles françaises
Ce n’est ni une usine ni un site industriel stratégique : le lieu est essentiellement composé de champs, de haies bocagères, et de quelques exploitations laitières. Mais ce paysage rural paisible serait posé sur une véritable manne énergétique. Selon des données recueillies auprès de géologues indépendants et recoupées avec des informations du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), des forages anciens menés dans les années 1990 ont mis au jour une concentration anormale de spodumène dans le sous-sol, signe typique de la présence de lithium.

Un potentiel largement supérieur aux projets existants
Pour donner un ordre d’idée, le projet français le plus avancé à ce jour, EMILI (piloté par Imerys dans l’Allier), envisage une production annuelle de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium à partir de 2028. Mais la teneur estimée pour ce nouveau gisement dépasse tout ce que la France et même l’Europe pensaient possible jusqu’ici. Si confirmé, cela représenterait une réserve huit fois plus importante que celle annoncée jusqu’alors dans le projet EMILI.
L’effet domino pourrait être colossal :
- Réduction majeure de la dépendance aux importations chinoises de lithium.
- Accélération de la stratégie minière française sous la bannière de la souveraineté énergétique.
- Risque accru de conflits d’usage des terres entre agriculture et industrie minière.
Une tension sociale déjà palpable
J’ai rencontré Paul Reynaud, éleveur sur cette zone depuis près de trente ans. Il m’a reçu dans sa grange, entre deux tournées de paillage, préoccupé mais lucide sur ce qui se profile à l’horizon.
« Je ne suis pas opposé au progrès, ni à la transition énergétique. Mais on parle ici de centaines d’hectares transformés. Que feront mes enfants de la ferme si tout est racheté, creusé, déplacé ? Et puis, qui nous consulte ? »
Ce type de témoignage n’a rien d’anecdotique. Déjà, certains promoteurs miniers auraient commencé à nouer discrètement des contacts avec des propriétaires fonciers de la région. L’odeur de la spéculation foncière commence à flotter, avec des hausses de prix parfois multipliées par deux ou trois en quelques mois, m’a confirmé un notaire local, sous couvert d’anonymat.
Entre opportunité industrielle et fracture rurale
Le lithium est une clef de voûte de la transition vers la mobilité électrique. L’Union européenne ambitionne que 10 % de ses besoins en matières premières critiques soient extraits sur le sol européen d’ici 2030, selon le Critical Raw Materials Act (CRMA). Mais cela suppose une acceptabilité dans les territoires, souvent absente des premières phases de concertation.
La France, avec seulement 4 % des réserves européennes connues, comptait jusqu’ici sur le projet EMILI et quelques programmes de saumure géothermale pour se positionner. Avec la découverte présumée du Berry, l’échiquier change. Reste à savoir si l’État tranchera entre développement industriel et protection du tissu rural.

Forage contre fourche : vers une confrontation ?
Cette tension n’est pas sans rappeler celle vécue en Serbie ou en Espagne, où des projets similaires ont déclenché des contestations citoyennes massives. En France, une réforme du code minier est entrée en vigueur en 2023 pour faciliter les démarches, mais elle n’efface pas les appels à la démocratie locale. Le site du débat public du projet EMILI atteste des craintes locales : nuisances sonores, gestion de l’eau, biodiversité, activités agricoles menacées.
Une question traverse les esprits : la transition énergétique peut-elle justifier un recul de la souveraineté alimentaire ou un bouleversement du paysage rural ?
Un choix stratégique aux contours flous
Le ministère de la Transition écologique confirme dans une note confidentielle consultée que des « analyses préliminaires » sont en cours sur ce site. Mais aucune déclaration publique n’a été faite, signe d’une extrême prudence politique. Car derrière les chiffres, ce sont des vies, des métiers, et un mode de vie qui seraient impactés.
Données comparées | Gisement du Berry | Projet EMILI (Allier) |
---|---|---|
Réserves estimées | 34 millions de tonnes | 1 million de tonnes |
Mise en exploitation prévue | Inconnue | 2028 |
Acceptabilité sociale | Très contestée en amont | Processus de concertation en cours |

Quel futur pour les territoires porteurs de lithium ?
Certaines voix, et pas seulement dans les cercles environnementalistes, soulignent la nécessité d’un débat national. Faut-il sanctuariser les terres nourricières ? Ou faire de la France une puissance minière verte ? Les arbitrages politiques promettent d’être complexes. D’un côté, un impératif climatique. De l’autre, une pression foncière qui menace la stabilité rurale.
En me quittant, Paul Reynaud m’a glissé une phrase simple, mais lourde de sens : « Ils veulent peut-être du lithium pour faire rouler des voitures. Moi je veux juste que mes vaches aient de l’herbe à brouter. »