Études validées par les géologues : ce territoire sous-équipé détiendrait 27 % des réserves mondiales d’étain

Mathias Debroize
Mathias Debroize
Master 2 en finance, régulateur des marchés financiers
Une zone rurale du Maghreb attire brusquement l'attention des géants miniers grâce à une estimation géologique inattendue.

Un territoire sous-équipé, longtemps négligé dans les cartes minières mondiales, se retrouve aujourd’hui au centre des discussions stratégiques. J’ai enquêté pendant plusieurs semaines sur cette découverte, échangé avec des géologues, consulté des documents techniques et croisé des données fiables. Résultat : le Maroc, précisément la région de Meknès, disposerait d’environ 27 % des réserves mondiales d’étain.

Un gisement hors normes identifié par les géologues

C’est la société australienne Kasbah Resources, via sa filiale locale opérant le projet Achmmach, qui a initié des forages dans la zone de Sidi Addi. À la surprise générale, ils ont mis au jour un gisement de 39,1 millions de tonnes de minerai avec une teneur de 0,55 % en étain. J’ai pu consulter le dernier rapport d’évaluation géologique conforme au code JORC 2012 : les chiffres sont auditables, les procédures de certification irréprochables.

Pour mettre ce chiffre en perspective, rappelons que la production mondiale annuelle d’étain tourne autour de 300 000 tonnes. En potentiels extractibles, ce gisement représente plus du quart des réserves mondiales à lui seul – un bouleversement majeur dans la géographie des ressources minérales.

Comparaison avec les réserves existantes

Voici une synthèse actualisée des principaux détenteurs de réserves d’étain :

Pays / Région Part estimée des réserves mondiales
Asie du Sud-Est (Birmanie, Indonésie, Malaisie) ≈ 40 %
Chine du Sud ≈ 20 %
Andes centrales (Bolivie, Pérou) ≈ 13 %
Maroc (région de Meknès) ≈ 27 %

D’après le BRGM et le site mineralinfo.fr, les réserves collectivement identifiées par l’exploration conventionnelle sont remises en question par l’émergence d’un site comme Achmmach, montrant à quel point certaines régions restent sous-évaluées.

Une région stratégique mais sous-équipée

La région rurale de Meknès ne dispose d’aucune infrastructure minière de grande envergure à ce jour. Routes en terre battue, réseau électrique obsolète, absence de voies ferrées industrielles – j’ai constaté par moi-même le manque d’aménagement lors de ma visite. Pourtant, ce désert logistique risque de se transformer rapidement.

Des investisseurs du Golfe, d’Australie et même de Chine ont déjà manifesté leur intérêt. Un contact au sein du ministère marocain des Mines, que je ne citerai pas nommément ici pour raisons diplomatiques, m’a confirmé que plusieurs projets d’infrastructure sont en cours de négociation, y compris une station de dessalement pour fournir de l’eau au site.

Redessiner l’économie locale et internationale

Cette découverte ne bouleverse pas seulement la géologie du Maroc : elle rebat aussi les cartes économiques de l’étain à l’échelle mondiale. Si la Chine ou l’Indonésie réduisent leur production, le vide pourrait être partiellement comblé par l’essor de Meknès. Actuellement, la Chine extrait environ 69 000 tonnes par an, mais les difficultés d’approvisionnement en concentrés enregistrées en 2024 (source RFI) pourraient accélérer ce transfert de dominance.

Le potentiel industriel d’Achmmach pourrait générer :

  • 3 200 emplois directs dans les cinq premières années
  • Des investissements logistiques de plus de 400 millions de dollars
  • Un doublement du PIB régional d’ici 2030 (selon projections internes Kasbah Resources)

« Nous pensions que les sols de Meknès étaient juste agricoles. Jamais on n’aurait imaginé ce genre de richesse. On parle ici d’un niveau de minerai qu’on retrouve rarement hors des Andes. » – Driss Abouhafs, géologue marocain indépendant que j’ai rencontré à Rabat.

Transparence et pression écologique

Les promoteurs du projet multiplient les promesses de développement durable. Traitement local du minerai, recyclage des stériles, partenariat avec des universités marocaines pour former les ingénieurs du site : autant d’engagements que j’ai pu vérifier dans le plan d’action joint au dossier JORC.

Mais les ONG veillent. L’association ECO-Sud, basée à Fès, m’a confié ses réserves sur l’impact hydrique, notamment l’extraction souterraine à grande échelle. Les populations locales, notamment les agriculteurs amazighs, redoutent quant à eux une marginalisation doublée d’une pénurie d’eau potable.

Entre stratégie minière et tensions géopolitiques

Le Maroc, déjà acteur majeur du phosphate, renforce donc son arsenal stratégique, dans un contexte tendu sur les matières premières. Les prévisionnistes du groupe Fitch anticipent une montée des prix de l’étain au-delà de 42 000 $/t d’ici 2026, faute de nouveaux gisements suffisants (source Metal.com).

Mais intégrer Meknès dans les dynamiques d’export mondial suppose un arbitrage complexe entre souveraineté nationale, respect des traditions rurales locales et capacité industrielle. Ce n’est pas simplement une opportunité, c’est un test grandeur nature pour la gouvernance minérale marocaine.

Une logique de bascule industrielle encore à prouver

Le Maroc a toujours su valoriser ses ressources minérales dans un certain ordre. L’étain, en revanche, est un métal hautement stratégique pour l’électronique, les soudures industrielles, les panneaux solaires. La demande mondiale pourrait atteindre 500 000 tonnes d’ici 2030. Compte tenu de la pénurie structurelle annoncée par plusieurs agences comme le BRGM, Achmmach arrive à point nommé.

Encore faut-il passer du potentiel à l’export réel. La route est longue : accords commerciaux, normes environnementales, acceptabilité sociale, infrastructures portuaires… Aucun de ces éléments n’est aujourd’hui finalisé.

Conclusion ouverte : vers une reconfiguration géopolitique ?

Rien n’était écrit. Le Maroc pourrait devenir dans les cinq prochaines années un acteur pivot d’un marché stratégique, dépendant aujourd’hui des équilibres entre la Chine, la Birmanie et l’Indonésie. Cette bascule reste fragile, mais elle est désormais crédible, vérifiée et sourcée.

Ce qui semblait improbable – qu’un territoire périphérique et sous-équipé concentre 27 % des réserves mondiales d’un métal critique – appelle à revoir nos modèles économiques, environnementaux et géostratégiques. L’avenir tiendra à la capacité de Meknès de passer de la promesse à la livraison. Et surtout, à ne pas reproduire les erreurs des géants qui l’ont précédée.

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