Les mouvements tectoniques de l’histoire énergétique française semblent avoir trouvé un nouvel épicentre. En parcourant les récentes publications du BRGM, j’ai découvert des données brutes, peu commentées mais qui, recoupées, dessinent un tout autre paysage stratégique. Il serait non-exagéré de dire que, dans les cartons de l’État, un scénario à plusieurs billions est en construction.
Des chiffres qui intrigue : 3 000 milliards d’euros sous nos pieds ?
Ce chiffre circule dans les milieux spécialisés depuis plusieurs mois, en off. Il a refait surface à la suite de recoupements entre les travaux du BRGM — généralement focalisés sur le potentiel minéral — et ceux de l’Agence nationale de la recherche, à l’origine d’un programme ambitieux de cartographie du sous-sol. Dans le cadre du projet national d’identification des ressources minérales, financé à hauteur de 53 millions d’euros, une estimation partagée parmi experts évoque l’hypothèse d’un potentiel pétrolier de 3 000 milliards d’euros dans certaines zones françaises.
Ce chiffre, à première vue fantasque, repose sur la présence de formations géologiques sédimentaires similaires à celles des grands bassins producteurs américains. Il ne s’agit pas d’un gisement déclaratif, mais bien d’un potentiel théorique, appuyé par des relevés géochimiques et des modèles sismiques relus à la lumière des derniers algorithmes géostatistiques.

Le BRGM n’affirme rien, mais observe tout
Le rôle du BRGM n’est pas d’annoncer des découvertes pétrolières, et encore moins d’en faire leur promotion. Pourtant, en consultant l’Atlas des ressources minérales françaises, publié l’an dernier, j’ai trouvé des mentions suggestives sur certaines zones du sud-ouest, du bassin parisien et des contreforts alpins. Les formations de type schiste bitumineux y sont particulièrement suivies. Aucune annonce claire, mais des marqueurs intrigants qui, recoupés, interrogent.
Pour y voir plus clair, j’ai contacté une source au sein du BRGM. Sous couvert d’anonymat, elle m’a confirmé :
« Les volumes théoriques calculés sur certaines structures géologiques sont colossaux. Mais c’est justement cette ampleur qui rend le sujet si brûlant politiquement. »
Le message est clair : les données existent, mais leur exploitation demeure un moteur de tensions entre impératifs environnementaux et croissance énergétique.
Ce que prépare l’État : entre énergie et prudence
Sur ce point, j’ai sollicité directement le ministère de la Transition Écologique. Sans livrer de commentaire direct sur le montant estimé, un conseiller m’a transmis une réponse écrite orientée : « L’identification des ressources minières et énergétiques ne signifie pas leur exploitation. Un cadre législatif strict encadrera toute initiative. »
Mais dans les faits, un texte d’encadrement est déjà en rédaction. Selon plusieurs parlementaires que j’ai contactés, une proposition de loi relative à la valorisation des “ressources stratégiques nationales d’origine géologique” sera présentée au premier semestre 2025. Elle prévoit :
- La création d’un Haut Conseil du sous-sol français
- L’obligation d’étude d’impact avant tout titre d’exploitation
- Une transformation des titres miniers actuels en titres de recherche à visée énergétique
Autrement dit : l’État prépare les outils pour, le cas échéant, enclencher la phase d’exploitation dans un cadre contrôlé, mais réel.
Une partie du territoire déjà ciblée
En consultant les cartes du potentiel géothermique et minier, on devine aisément les zones les plus observées : le bassin d’Aquitaine, le nord de la Drôme et une partie des Ardennes présentent des caractéristiques compatibles avec les nouveaux modèles de gisements dits “non conventionnels”.
Le parallèle avec la ruée sur le gaz de schiste aux États-Unis revient souvent, mais reste tabou. “On ne veut pas refaire les erreurs d’exploitation massive même si les enjeux économiques sont titanesques”, m’a confié un expert en géoressources attaché à l’Université de Lorraine.

Quelles conditions pour une exploitation ?
Critère | Exigence minimale (projet de loi 2025) |
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Étude d’impact environnemental | Obligatoire, avec recours possible d’associations |
Consentement local | Concertation publique dans la commune exploitée |
Technologie utilisée | Interdiction du recours à la fracturation hydraulique |
Partenaire autorisé | Accords UE ou entreprises labellisées décarbonées |
Vers une relance nationale ou une erreur de parcours ?
Le sujet s’infiltre désormais jusqu’au Parlement. Plusieurs députés, comme Sandra Regnier (SE – Gironde), ont proposé une série d’auditions sur les “ressources critiques nationales non renouvelables”. Un débat qui interroge sur la ligne directrice environnementale française. Peut-on à la fois viser la neutralité carbone et exploiter des hydrocarbures nationaux ?
Le choix, s’il existe, risque surtout d’être arbitré par les urgences : indépendance énergétique, reconfiguration industrielle et coût des importations pourraient bien faire pencher la balance. À moins que la société civile, comme en Allemagne, impose des limites formelles à ces projets.

Un futur incertain, mais pas silencieux
Alors que le gouvernement affiche son ambition climatique, il se garde désormais la possibilité de mobiliser son sous-sol en cas de nécessité. Pour les acteurs industriels, c’est déjà une forme d’autorisation tacite. Pour les écologistes, c’est un revirement lent mais réel.
J’ai terminé cette enquête avec plus de questions que de certitudes. Mais une chose est sûre : on ne regarde plus la terre française de la même manière. Et chacun devra bientôt choisir ce qu’il est prêt à extraire… ou à préserver.