Il y a encore deux mois, personne ne prêtait attention à cette petite parcelle caillouteuse bordant la D912, en surplomb d’un ancien mas viticole du Languedoc. Mais depuis début juillet, une odeur inhabituelle y flotte par intermittence, suffisamment prononcée pour alerter les ouvriers agricoles du secteur. L’un d’eux, Jean-Marie Cazals, 65 ans, y a vite reconnu un fumet bien particulier.
L’odeur, première alerte sous leurs pieds
« Je connais cette odeur, c’est pas du souffre, c’est trop propre… ça sent le gaz naturel, comme quand une bouteille est mal fermée », m’a confié Jean-Marie en me montrant le site. L’homme n’a pas voulu s’arrêter là. En bon fils d’un ancien foreur des années 60, il a contacté une connaissance à la mairie de Montady, qui elle-même a sollicité le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).

Des souvenirs et une ancienne carte
Ce qui semblait n’être qu’un signal olfactif s’est enrichi d’un document inattendu : une ancienne carte annotée à la main, retrouvée chez un proche d’un retraité des Ponts et Chaussées. Sur ce plan datant des années 1970, une « poche suspectée – gaz ? » est signalée à environ 400 mètres de profondeur, précisément sous la zone aujourd’hui concernée.
« L’odeur trahit la poche, les experts confirment » – me rapporte Jean-Marie, citant un géologue venu inspecter les lieux de manière informelle avec un détecteur de méthane portable.
Premiers tests : un signal faible mais bien réel
Un mois après les premiers signalements, le BRGM a installé une sonde passive à proximité de la parcelle. Les données sont claires : des traces de méthane sont présentes. Pas de quoi alimenter une ville, mais assez pour justifier une investigation plus poussée. À 400 mètres sous terre, une poche primaire pourrait, selon les experts, être piégée dans un pli sédimentaire ancien du Miocène.
Pourquoi personne n’a creusé plus tôt ?
La région, bien que riche en sous-sols classés pour leur nappe phréatique, n’a jamais été ciblée pour l’exploitation d’hydrocarbures. Trop coûteux dans les années 70, sans intérêt économique majeur à l’époque. Mais cette hypothèse dormait bien là, dans les archives et les récits locaux.

Le BRGM temporise, les élus s’interrogent
Contacté, le bureau régional du BRGM ne nie pas l’anomalie : il évoque « une présence confirmée de méthane dans les couches inférieures », mais estime prématuré de parler de gisement exploitable. De leur côté, les élus locaux voient l’affaire avec prudence. Ils redoutent les impacts écologiques et la réaction des habitants.
- Présence de méthane confirmée à proximité de la parcelle
- Aucune infrastructure actuelle de captation sur zone
- Pas de forage prévu avant plusieurs mois
- La rentabilité reste incertaine sans prélèvements en profondeur
Un potentiel modeste, mais bien réel
Les spécialistes évoquent une poche résiduelle, vestige d’un système plus vaste désormais éteint. À 400 mètres, les conditions de pression et de température pourraient nourrir une micro-accumulation maintenue intacte depuis des milliers d’années. Mais les volumes probables seraient largement en dessous des seuils industriels classiques.

Que faire d’un micro-gisement ?
La découverte interroge plus sur la gestion du sous-sol local que sur un espoir économique. Si une exploitation reste improbable, la présence de gaz nécessite une surveillance pour éviter tout risque de remontée ou de pollution souterraine. Les techniciens de GRT Gaz, joint pour recouper les informations, confirment n’avoir « aucun réseau sous pression à proximité immédiate ».
Profondeur estimée | Type de gaz détecté | Concentration | Risque évalué |
---|---|---|---|
400 mètres | Méthane (CH4) | Inférieure à 1% atm | Faible mais à surveiller |
Vieilles terres, nouvelles questions
À l’heure où les énergies fossiles opèrent leur lent repli face à l’urgence climatique, cette trouvaille inopinée réunit passé industriel et présent écologique. Elle rappelle surtout les vastes incertitudes que recèle encore le sous-sol français. Au-delà du gaz, c’est la mémoire géologique et humaine de toute une région qui ressurgit.
Jean-Marie, lui, revient chaque matin observer ce coin de terre apparemment ordinaire. Aucun forage n’a eu lieu, mais il garde un œil sur les chiens qui passent le museau au vent. « Eux, ils savent. Leur truffe sent peut-être ce que nos capteurs cherchent encore. »