Lorsque les premières lettres sont arrivées dans les boîtes des résidents du hameau de Saint-Roch, aux abords du site historique de la Corniche Noire, peu pouvaient imaginer ce qui les attendait. Officiellement, le site, fermé depuis 1983 et classé mémoire nationale depuis 2001, était rouvert « pour bilan et étude environnementale périodique ». À peine trois semaines plus tard, des escouades de géomètres, de véhicules logotypés et de pelleteuses ont envahi la zone. Et les familles, elles, ont reçu une lettre. Unique, glaciale, sans discussion possible.
Un prétexte administratif devenu opération minière
D’après les documents que j’ai pu consulter et des sources internes que j’ai croisées, tout a commencé par une campagne de réévaluation des anciens sites miniers à l’initiative du ministère de la transition énergétique. Un fond européen avait été mobilisé pour auditer les impacts environnementaux anciens. À Saint-Roch, l’opération a pris un tout autre tour.
Derrière les installations techniques provisoires et les carottages du sol, tout s’est accéléré dès la mi-août. Un rapport préliminaire confidentiel évoque la « présence significative d’un gisement inexploité d’uranium hautement rentable », localisé sous une partie non encore explorée du site, à flanc de colline – une nappe géologique ignorée lors des campagnes d’exploitation historiques.
La lettre reçue par les familles
« Nous avons reçu ça comme une expulsion, déguisée mais réelle », m’a confié Éliane Laurent, 62 ans, dont la famille vit ici depuis trois générations. Le document, adressé « individuellement à chaque foyer impacté », stipule un « relogement encadré par la préfecture dans un rayon de 50 km » et l’« obligation de quitter les lieux sous 90 jours » pour « mise en conformité avec un plan de sécurisation d’intérêt stratégique ».
« Ils nous ont dit que c’était pour le bien commun, qu’il s’agissait d’un site sensible classé. Mais ils ne nous ont jamais parlé d’uranium. Et la phrase précise c’était : ‘départ automatique, pas de choix’ », souligne Mme Laurent. « Mon mari en a pleuré. Il est né ici. »
Un site historique que l’histoire rattrape
Le site de la Corniche Noire avait été sanctuarisé durant les années 1990 pour ses enjeux mémoriels : c’est là que les premières prospections d’uranium ont été réalisées sous le Général de Gaulle. En 2001, l’État avait inscrit le lieu comme patrimoine national de l’industrie nucléaire. Les anciens chevalements avaient été conservés, des visites pédagogiques organisées chaque été par des associations militantes du souvenir minier.
Mais les documents d’orientation stratégique que j’ai pu consulter parlent désormais d’un « réintérêt technique stratégique compatible avec une exploitation restreinte à plateau mobile ». En pratique : une mine sans galeries, via injection acide souterraine et pompage contrôlé. Une technique expérimentée en Asie centrale récemment.
Des implications nationales mais locales d’abord
Pourquoi un tel empressement ? En arrière-plan, la relance du nucléaire français. Avec 6 EPR en chantier et des besoins en combustible croissants, la France cherche à sécuriser son approvisionnement autrement que par les importations. Si un gisement domestique apparaît viable, le carnet de priorités change.
Selon nos informations, le plan de réactivation couvrirait :
- Une campagne rapide de forage de validation pendant l’hiver 2025
- Une première extraction pilote dès l’été 2026, sous supervision d’Orano
- Le classement en Zone d’Utilité Publique dès le printemps
- Un accompagnement psychologique proposé aux familles déplacées
Mais hormis ces éléments formels, rien n’a été expliqué clairement aux 136 habitants qui devront partir.
Ombres juridiques et silence politique
L’Association Mémoire Minière 87 a déposé un recours en référé contre l’éviction, arguant la violation de la Loi Littoral (le site est en zone naturelle protégée partiellement) et le non-respect du droit de consultation publique. Contactée à deux reprises, la préfecture de la Haute-Vienne n’a pas souhaité s’exprimer. Le ministère, lui, renvoie à un « devoir de discrétion dans les phases de sécurisation territoriale ».
D’après mes recherches, aucune enquête publique n’a été lancée. Le classement du site comme zone industrielle probable est en cours à Matignon.
Les habitants pris au piège d’une politique énergétique
Pour Éliane Laurent, cette précipitation déshumanise : « Nous n’avons pas été informés, ni même consultés. ‘Pas de choix’. Ce sont les seuls mots qui sont restés ». Le voisinage, bien que divisé, semble pour l’instant solidaire. Un collectif d’avocats spécialisés dans les droits fonciers a été sollicité.
Comme souvent dans les affaires mêlant territoire et stratégie énergétique, le débat public intervient tard, quand les dés sont déjà jetés. Et derrière les vocables administratifs, c’est un pan entier de la mémoire rurale qui s’apprête à être vidé, déplacé, rebouché.
Une table de la situation actuelle
Élément | Statut |
---|---|
Statut du site | Classé mémoire nationale / Conversion en cours |
Nombre de familles concernées | 34 |
Type d’exploitation envisagée | Extraction par solution souterraine |
Date de départ imposée | 90 jours après réception |
Opérateur pressenti | Orano |
Les cartons commencent à s’empiler dans les maisons du hameau. Les souvenirs aussi. Et personne ne semble aujourd’hui prêt à garantir qu’un débat public aura, un jour, le droit d’avoir lieu.
C’est un vrai scandale ce qui se passe à Saint-Roch. Les habitants sont évincés sans même être consultés, tout ça pour de l’uranium ? On parle de bien commun, mais à quel prix pour ces familles ? Les décisions doivent être prises avec eux, pas à leur place !
C’est vraiment triste de voir des familles forcées de quitter leur maison sans avoir leur mot à dire. Ce site a une histoire et les habitants méritent d’être consultés. Les décisions devraient inclure les préoccupations des personnes touchées, pas seulement des intérêts économiques.
C’est vraiment déchirant de voir les familles de Saint-Roch confrontées à ce déplacement. Ils méritent d’être entendus et informés, surtout sur un sujet si sensible comme l’exploitation d’uranium. Est-ce qu’il y a des moyens de protester ou de se faire entendre dans ce processus?
L’article de l’auteur soulève des questions essentielles sur la transparence et le respect des habitants de Saint-Roch. Je suis d’accord sur le fait que ces décisions doivent être prises en concertation avec la communauté, plutôt que de manière autoritaire. La mémoire de ce site mérite d’être préservée.