Derrière un test d’apparence modeste se cache une exigence bien réelle dans le processus de sélection aux concours de l’Éducation nationale. L’exercice complet est présenté plus bas dans cet article.
Un test logique imposé aux candidats enseignants
Depuis cette année, lors du pré-recrutement en master MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation), un test de logique court mais décisif filtre les candidats. Il ne s’agit pas d’une épreuve officielle du concours mais d’un prérequis implicite : obtenir au minimum deux bonnes réponses sur trois questions similaires à celle que vous retrouverez plus bas. Ce n’est pas noté, mais le seuil éliminatoire est appliqué de manière stricte.
Pour comprendre comment un tel test s’est installé sans réellement faire débat public, j’ai consulté plusieurs coordinateurs de formations ainsi que des enseignants membres de jurys. L’exercice en question, m’ont-ils expliqué, vise à garantir la capacité à raisonner par syllogisme, une compétence jugée « inhérente à l’acte d’enseigner ».

Des critères de sélection plus implicites qu’on ne l’imagine
Pour accéder à ces masters, une sélection académique reste officiellement la norme. Mais selon plusieurs sources internes, ce test agit comme un filtre officieux qui élimine facilement 10 à 15 % des candidatures. Les candidats concernés sont rarement informés de ce critère, ce qui soulève des interrogations sur la transparence du processus.
« Ils nous ont juste dit : ‘vous verrez, c’est un petit test de raisonnement’. Mais les consignes étaient claires : ‘vous ne pouvez pas continuer si vous avez moins de deux bonnes réponses sur trois’ », raconte Clémentine N., 24 ans, recalée en première année de master MEEF à Lille. « Je ne savais même pas que c’était aussi tranchant. J’ai vu ceux qui ont réussi rester dans la salle. Les autres devaient partir. C’était froid. »
Pourquoi ce test est-il utilisé ?
Les défenseurs de cette méthode invoquent des raisons pédagogiques. Selon eux, l’enseignement repose souvent sur l’art de distinguer le pertinent de l’anecdotique, de structurer un raisonnement clair et rigoureux. Un test de logique permettrait justement d’éprouver ces compétences de base, sans considération de spécialité (histoire, maths, lettres…). Pour eux, il s’agit d’un indicateur anticipé de l’aptitude à mener un raisonnement pédagogique, nécessaire dans toutes les disciplines.
Mais la méthode reste contestée par plusieurs formateurs et syndicats. On lui reproche de figer une approche du métier sur des critères trop rationnels au détriment d’autres qualités comme la créativité ou l’empathie — lesquelles ne sont pas mesurées à travers ce type d’outil.
Des biais sociaux ?
Des sociologues de l’éducation pointent également un biais dans ce genre d’épreuve concise. Les étudiants issus de filières techniques ou détachées des humanités classiques seraient désavantagés. Même constat pour les étudiants étrangers. Le raisonnement logique, bien qu’universel dans son principe, peut être abordé différemment selon les systèmes éducatifs.
Cette politique n’est écrite nulle part dans les arrêtés officiels, mais elle semble bien ancrée, comme me l’a confirmé un membre de jury que je ne peux nommer : « On ne le dit pas, mais on l’applique. Parce que c’est efficace. Et finalement, c’est un filtre qui évite des situations délicates en seconde année. »

Ce que l’exercice exige réellement
Le test, tel qu’il est proposé dans plusieurs académies, repose sur une série de raisonnements logiques s’inspirant directement des syllogismes philosophiques. Il ne s’agit pas de connaissances, mais d’inférences. On demande donc :
- d’identifier ce que l’on peut conclure formellement à partir de prémisses données
- d’évacuer les interprétations émotionnelles ou intuitives
- de manipuler mentalement des catégories (ensembles, sous-ensembles, exclusions)
Comme nous le verrons plus bas, l’exercice proposé revient à articuler trois propositions simples pour en déduire une vérité implicite. Le taux de réussite général reste relativement bas, autour de 55 % selon un rapport interne consulté en mai.
Voici l’exercice tel qu’il peut être présenté

Un test simple en apparence, mais à fort impact
Ce type de question ne préjuge en rien de la culture, de la vocation ou de la pédagogie. Il agit plutôt comme un seuil technique que beaucoup dépassent... ou pas. Entre sélection discrète et exigence intellectuelle, il pourrait bien restructurer, à terme, l’approche même de la formation des enseignants. Peu en parlent, mais tous s’en souviendront.