En salle de pause ou dans les amphis, la question revient souvent : « Et si les jeux vidéo rendaient les enfants plus intelligents ? » Une étude américaine récemment relayée alimente le débat, affirmant que les jeunes joueurs développeraient une capacité logique supérieure de 47 %. Ce chiffre, impressionnant, demande pourtant à être confronté aux faits réels, à la méthodologie utilisée et à l’interprétation des données. J’ai mené l’enquête.
Des avantages cognitifs bien réels… mais nuancés
Les avantages cognitifs liés à la pratique vidéoludique ne datent pas d’hier. Plusieurs travaux scientifiques confirment qu’une pratique modérée de certains types de jeux améliore divers aspects du fonctionnement cérébral chez les enfants et les adolescents. En 2022, une étude de l’Université du Vermont publiée dans la revue JAMA Network Open a mis en évidence que les jeunes qui jouent régulièrement aux jeux vidéo obtiennent de meilleurs scores aux tests de mémoire à court terme et de contrôle inhibiteur (source).
Mais attention à la généralisation. Comme me l’explique Sophie Delaunay, neuropsychologue au CHU de Bordeaux :
« On constate souvent une meilleure flexibilité cognitive et une plus grande vitesse de traitement de l’information chez les joueurs réguliers, mais cela dépend fortement du type de jeu et du contexte familial. Les jeux de stratégie et de réflexion sollicitent davantage les circuits impliqués dans la logique, mais la différence n’est pas uniformément de 47 %, c’est bien plus complexe que ça. »
Que signifie réellement le chiffre de 47 % ?
Le chiffre mis en avant – 47 % – ne découle d’aucune étude mesurant directement l’augmentation de la logique chez les joueurs. Il s’agit en réalité de la proportion d’enfants âgés de 3 à 10 ans qui utilisaient quotidiennement une console en 2021, selon un baromètre mené par l’institut Ipsos pour la Fondation Krys. La confusion semble venir d’une lecture erronée de cette statistique : il s’agit d’un taux d’usage, pas d’un gain cognitif.
Les véritables chiffres concernant les avancées cognitives sont bien moins linéaires. Une compilation des études récentes révèle par exemple :
- +31 % en performance moyenne aux tests de mémoire de travail chez les joueurs réguliers
- +28 % en contrôle des impulsions
- +18 % en raisonnement déductif selon le type de jeu
- +2,5 points de QI moyen constatés après deux ans chez des enfants jouant plus d’une heure par jour (Trustmyscience)
Quels jeux stimulent réellement la logique ?
La logique, quand elle est définie comme l’aptitude à résoudre des problèmes complexes ou à établir des déductions cohérentes, est davantage stimulée par des jeux stratégiques, de puzzle ou de simulation. Le site Gaming Campus recense notamment plusieurs jeux bien connus pour leurs effets bénéfiques sur la logique :
| Type de jeu | Exemples | Compétences sollicitées |
|---|---|---|
| Puzzle / réflexion | Portal, Tetris, The Witness | Logique déductive, spatialisation, anticipation |
| Stratégie / gestion | Starcraft, Civilization, SimCity | Planification, prise de décision, raisonnement multitâche |
| Jeux de programmation | Human Resource Machine, Baba Is You | Algorithmique, séquences, conditionnelles |
Corrélations, pas causalités : le piège à éviter
Les chercheurs le rappellent : le fait de constater des résultats plus élevés en logique ou en mémoire chez les joueurs ne signifie pas que les jeux en sont la cause directe. Plusieurs biais sont possibles. Les enfants les plus à l’aise intellectuellement pourraient simplement être plus attirés par les jeux complexes. De même, un environnement familial stimulant peut à la fois favoriser l’usage des jeux et la performance cognitive.
Le Dr Bader Chaarani, auteur principal de l’étude américaine de 2022, insiste dans une interview accordée au National Institutes of Health que « d’autres éléments non mesurés, comme les habitudes parentales ou la nutrition, peuvent expliquer ces différences de performance » (nih.gov).
Des effets positifs mais aussi des limites
Si les jeux vidéo ont un potentiel bénéfique mesuré, cela ne signifie pas qu’ils sont sans risque. L’exposition excessive peut avoir des effets inverses, notamment sur l’attention, l’anxiété ou la qualité du sommeil. Lorsqu’un jeu devient l’unique activité quotidienne d’un enfant, la dynamique cognitive se fige, la plasticité diminue.
Le rapport de l’INSPQ (Institut national de santé publique du Québec), consultable en intégralité sur inspq.qc.ca, alerte justement sur les effets d’usage abusif : plus de 5 heures quotidiennes peuvent entraîner une baisse significative de l’attention, avec des risques de troubles anxieux accrus chez les jeunes.
Quels types de jeux vidéo sont les plus efficaces pour améliorer la logique ?
Les jeux de réflexion, stratégie ou résolution d’énigmes sont les plus adaptés. Ils sollicitent des compétences de planification, d’adaptation et de raisonnement abstrait. Les jeux de tir ou de course, eux, agissent plutôt sur la coordination œil-main ou la vigilance.
Les jeux vidéo peuvent-ils aider à traiter les troubles cognitifs ?
Certains dispositifs vidéoludiques sont utilisés comme outils thérapeutiques, notamment dans le cadre d’interventions pour les enfants atteints de TDAH. Ils doivent être supervisés par des professionnels et s’intégrer dans un programme plus global.
Comment les jeux vidéo influencent-ils la mémoire à long terme ?
Les gains les plus notables concernent la mémoire de travail et la mémoire procédurale. L’effet sur la mémoire à long terme reste moins documenté et probablement marginal par rapport à l’influence de facteurs environnementaux ou scolaires.
Les jeux vidéo ont-ils des effets négatifs sur la santé mentale des enfants ?
Oui, en cas de pratique excessive. Isolement social, dépression, troubles de l’attention et addiction sont des risques bien réels, comme le souligne une synthèse de la Fondation pour l’Innovation Politique (fondapol.org).
Les jeux vidéo peuvent-ils améliorer les compétences visuelles et spatiales ?
Oui, particulièrement les jeux d’action, de course ou les simulateurs 3D. Ils renforcent la perception des distances, le sens de l’orientation ou l’anticipation visuelle, utiles dans de nombreuses tâches quotidiennes.
