Tous les salariés ont le droit de le demander mais peu le savent : l’épargne salariale souvent caché par les patrons ne profite qu’à 12% des français

Gary Hubert
Gary Hubert
Analyste financier
Un dispositif pourtant accessible à tous, mais largement méconnu par ceux qu’il est censé avantager : les salariés.

Alors que le salaire reste le levier principal de rémunération, un autre mécanisme plus discret existe dans de nombreuses entreprises : l’épargne salariale. Peu popularisée, parfois volontairement ignorée, elle est pourtant un droit dans certains cas, et une réelle opportunité lorsqu’elle est bien comprise.

Un droit accessible, mais peu visible

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le versement d’une prime de participation est obligatoire en cas de bénéfices suffisants (article L3323-2 du Code du travail). À cela peut s’ajouter l’intéressement, une forme de rémunération variable liée aux performances de l’entreprise. Ce dernier reste facultatif, laissé à l’appréciation des dirigeants.

Néanmoins, ces dispositifs appellent un constat préoccupant : seuls environ 3 millions de salariés en bénéficient réellement selon les derniers chiffres disponibles, soit un peu plus de 12 % des 24 millions de salariés du privé en France. En cause : complexité, manque de communication, et inégalités structurelles.

Des montants réels mais inégalement répartis

L’épargne salariale n’est pas une fiction. En 2023, 4,6 milliards d’euros ont été distribués sous forme d’intéressement et de participation. Le montant moyen perçu par salarié s’élève à 1 681 € sur l’année, selon une étude d’Axia Consultants publiée en février 2025 (source Axia).

Mais cet « avantage » n’est ni uniforme, ni équitable. Les salariés des groupes majeurs cotés au SBF120 reçoivent en moyenne 5 496 €, soit plus de trois fois la moyenne nationale. À l’inverse, dans les PME, les montants sont réduits, parfois inexistants.

Une opportunité perçue comme un labyrinthe

Le manque de pédagogie de la part des employeurs contribue à ce déséquilibre. Entre le PEE (Plan d’Épargne Entreprise), le PERCO (Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif), le PER Collectif et autres sigles nébuleux, nombreux sont ceux qui renoncent faute de compréhension. Selon le site MiroirSocial (lien), 95 % des salariés ignorent comment utiliser correctement ces plans, y compris l’abondement de l’employeur, souvent ignoré ou sous-utilisé.

Quand l’information dépend du bon vouloir local

J’ai rencontré Sophie, chargée de mission dans un grand groupe énergétique à Lyon. Elle a accepté de me raconter son expérience.

« J’ai découvert que je pouvais placer mes primes sur un plan d’épargne avec un abondement de mon entreprise… trois ans après mon embauche ! Personne ne m’en avait parlé. Quand je l’ai su, c’est parce qu’un autre collègue m’a montré qu’il gagnait presque un mois de salaire par an grâce à ça. »

Chez elle, 95 % des collègues ont désormais recours à ces dispositifs, mais uniquement parce que le CSE s’est mobilisé pour faire de la pédagogie. Chez son conjoint, salarié dans une PME industrielle de 40 personnes, « aucune information, aucun plan n’est proposé ».

Le vrai visage des bénéficiaires

Le profil des épargnants est révélateur. En moyenne :

  • 70 % des montants versés sont conservés dans un plan d’épargne bloqué pendant 5 ans minimum.
  • Le montant moyen épargné est de 1 217 € par salarié, pour ceux qui optent pour cette option.
  • 30 % préfèrent recevoir leur part directement sur leur compte, souvent à cause de difficultés de trésorerie. Ils perçoivent alors environ 463 €.

La mécanique de l’inégalité

Au-delà du droit théorique, les barrières sont concrètes :

Facteur Conséquence
Taille de l’entreprise Pas d’obligation pour les entreprises de moins de 50 salariés
Communication interne Information peu claire, voire inexistante dans les petites structures
Complexité administrative Dissuasion naturelle à l’usage, peu d’accompagnement
Soutien syndical Les entreprises avec syndicats actifs facilitent l’accès à ces dispositifs

Une responsabilité partagée, une opportunité gâchée

Dire que cette épargne est « cachée par les patrons » est peut-être excessif, mais dans bien des cas, elle n’est pas mise en valeur. La réglementation impose une information minimale, mais dans les faits, son application varie considérablement selon la culture d’entreprise, la taille de la structure et la volonté managériale.

Le ministère de l’Économie le reconnaît d’ailleurs sur son portail (economie.gouv.fr) : la pluralité des dispositifs et les choix laissés aux entreprises créent une vaste zone grise. Certains salariés en profitent à plein, d’autres n’y accèdent jamais, quand bien même ils y auraient droit.

Quels sont les avantages fiscaux de l’épargne salariale ?

Les primes versées dans un plan d’épargne salariale sont exonérées d’impôt sur le revenu (dans la limite des plafonds annuels) si elles sont investies. Elles échappent également aux cotisations sociales classiques, mais restent soumises à la CSG/CRDS.

Comment les salariés peuvent-ils maximiser leurs bénéfices de l’épargne salariale ?

En optant pour le versement dans un plan dédié (PEE, PERCO, etc.) et en profitant de l’abondement si disponible, ils peuvent considérablement augmenter le montant reçu. Une formation ou un accompagnement syndical peut faire toute la différence.

Quelles sont les différences entre l’intéressement et la participation ?

La participation est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus, liée aux bénéfices. L’intéressement est facultatif, basé sur des objectifs fixés par l’entreprise. Les deux peuvent être combinés.

Pourquoi seulement 12 % des Français profitent-ils de l’épargne salariale ?

Car la majorité des entreprises ne sont pas soumises à l’obligation, ou n’ont pas mis en place ces dispositifs. Et parmi celles qui le font, la complexité dissuade les salariés peu informés ou peu accompagnés.

Quels sont les dispositifs les plus courants d’épargne salariale ?

Les plus fréquents sont le Plan d’Épargne Entreprise (PEE), le Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif (PERCO), et plus récemment le PER Collectif. Tous offrent des avantages à condition d’être connus et utilisés.

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