202,34 milliards d’euros sous la roche : cette mine en haute altitude inquiète déjà les marchés européens de l’énergie

Mathias Debroize
Mathias Debroize
Master 2 en finance, régulateur des marchés financiers
Dans les hauteurs arides de la Cordillère des Andes, une annonce inattendue agite déjà les places de marché européennes.

Depuis quelques jours, les téléphones des analystes en matières premières crépitent à Bruxelles, Madrid et Francfort. L’information filtrait en coulisse : au sommet des Andes, entre Argentine et Chili, reposait un gisement colossal estimé à plus de 202,34 milliards d’euros. J’ai voulu comprendre pourquoi cette nouvelle, venue de si loin, provoque déjà des turbulences dans le secteur énergétique européen.

Une annonce géologique qui dépasse le continent sud-américain

J’ai contacté plusieurs géologues et économistes pour en mesurer les implications concrètes. Le Vicuña Mineral Resource, ce nom qui circule dans les couloirs des institutions européennes comme un spectre menaçant ou providentiel selon l’interlocuteur, a de quoi faire basculer des équilibres établis depuis des décennies.

Selon les documents officiels publiés localement, le gisement englobe deux sites : Filo del Sol et Josemaría. À eux deux :

  • 13 millions de tonnes de cuivre,
  • 32 millions d’onces d’or,
  • et 659 millions d’onces d’argent.

Converties aux valeurs actuelles des métaux, ces ressources représentent plus de 200 milliards d’euros. Ce n’est pas juste une mine. C’est une variable géostratégique qui se rajoute à une équation énergétique déjà instable en Europe.

Cuivre, or, argent : pourquoi l’Europe regarde vers l’ouest

Ce gisement intervient alors que l’Union européenne cherche désespérément à sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques. Le cuivre, par exemple, reste « non substituable » pour nombre d’experts du rapport de la Commission européenne sur les matières premières de 2025.

En croisant les données du gouvernement chilien, les estimations des groupes miniers, et les tendances européennes, j’ai pu reconstituer les usages stratégiques :

  • Le cuivre : câblage électrique, infrastructures solaires, véhicules électriques, systèmes éoliens.
  • L’argent : composants électroniques, panneaux solaires, applications antimicrobiennes.
  • L’or : microprocesseurs, industrie aérospatiale, stockage de valeur en contexte instable.

En clair, tout ce qui permet de faire tourner une économie décarbonée dépend, au moins en partie, de ces éléments.

Les soupçons d’une dépendance prolongée

J’ai échangé avec Sofia Neumann, analyste chez une agence de régulation énergétique basée à Bruxelles. Pour elle, la crainte est double :

« Nous quittons une dépendance fossile pour basculer dans une dépendance métallique. Ce n’est pas une transition libre, c’est une reconfiguration des vulnérabilités. Et si demain une tension commerciale surgit autour de ces mines, c’est toute notre stratégie énergétique qui pourrait être fragilisée. »

Ce point de vue est partagé dans un rapport d’EY qui évoque une « montée du risque géopolitique autour des ressources minières ». Le sous-texte est clair : si l’Europe veut éviter la répétition du scénario gazier russe, elle doit surveiller cette nouvelle donne sud-américaine — sans la surestimer, ni la sous-estimer.

La résonance sur les marchés européens

Dans mes recherches, j’ai aussi interrogé des opérateurs de marché. Certains m’ont confirmé que les cours à terme du cuivre ont connu une tension discrète mais persistante depuis l’annonce de la découverte. L’idée n’est pas que l’offre sera immédiatement augmentée, mais que les grands acheteurs ajustent déjà leurs anticipations à long terme.

Trois conséquences potentielles sur l’Europe :

  • Augmentation des arbitrages d’approvisionnement dans l’industrie énergétique,
  • Révision à la hausse des projections de prix des métaux critiques,
  • Risque accru de dépendance face aux consortiums non-européens opérant le site.

Dans un contexte où l’UE ambitionne d’ouvrir de nouvelles mines sur son territoire (47 projets identifiés, selon le site de TF1 Info), cette découverte intervient presque comme un rappel brutal des réalités économiques et géopolitiques de la chaîne minière.

Une industrie minière à deux vitesses

En Europe, la lenteur des procédures, la réglementation environnementale stricte et le manque de consensus local rendent tout lancement minier complexe, long, coûteux. À titre d’exemple, la mine de Quellaveco au Pérou a mis 20 ans à devenir opérationnelle, selon l’Institute of Materials, Minerals and Mining.

En Amérique du Sud, le sol est peut-être plus riche… mais la stabilité politique est souvent plus fragile. C’est l’impasse de ce modèle minier mondialisé.

Tableau de la découverte Vicuña

Métal

Réserves estimées

Valeur estimée (€)

Cuivre

13 millions de tonnes

123,5 milliards

Or

32 millions d’onces

63,68 milliards

Argent

659 millions d’onces

15,16 milliards

Vers un tournant énergétique européen ?

Faudra-t-il repenser les stratégies industrielles européennes à la lumière d’un gisement sud-américain ? La réponse ne viendra pas d’un seul chiffre ni d’un seul puits. Mais en discutant avec des responsables du secteur, un sentiment domine : cette découverte remet les pendules à l’heure.

L’Europe peut-elle se permettre d’ignorer un tel changement de paradigme ? Peut-elle espérer un approvisionnement stable tout en refusant, chez elle, l’ouverture de nouvelles mines ? Le débat est posé. Et je le suivrai, mètre par mètre, roche après roche.

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