Il est des soirs où la ville semble retenir son souffle. C’est là, dans ce calme étrange, que certains croisements ont lieu. Tard dans une ruelle de Bordeaux, deux figures abîmées par la vie se sont rencontrées — fortuitement, apparemment. Pourtant, cette nuit-là n’a pas seulement réuni deux inconnus. Elle a réorienté leurs trajectoires.
Premiers pas dans l’ombre
Elle s’appelle Marjolaine. Lui, Adrien. Tous deux sortaient d’histoires que je qualifierais de brisées : séparation difficile pour l’une, sortie d’hospitalisation en psychiatrie pour l’autre. À première vue, rien ne les prédestinait à se parler, encore moins à s’écouter. Sauf peut-être cet endroit commun. Une ruelle méconnue du quartier Saint-Michel où le silence a parfois plus d’écho que les mots.
Leurs chemins se sont croisés quand Adrien a remarqué Marjolaine assise sur une marche, pleurant en silence. Par pudeur, il a d’abord poursuivi sa route. Puis a rebroussé chemin.
« On était deux étrangers. Et pourtant, j’ai eu l’impression qu’elle comprenait ce qui me pesait sans que je parle. J’ai juste demandé si ça allait. Elle a répondu : ‘Non. Mais c’est pas grave. Vous non plus, non ?’ » — Adrien

Une solidarité inattendue
Le sentiment d’être compris sans avoir à se justifier. Voilà ce qu’ils ont partagé en quelques heures. Loin d’une idylle romanesque, leur lien a pris racine dans la reconnaissance mutuelle de leurs failles. Ils ont marché ensemble ce soir-là, puis d’autres soirs. Se sont confié leur fatigue, leur honte, les vrilles mentales que personne ne décrit sur les réseaux sociaux. Ils ont commencé à se soutenir. À se réveiller sans cette boule au ventre. Lentement.
Les blessures comme point d’ancrage
Ce récit m’a rappelé d’autres constructions narratives où les âmes « cabossées » trouvent un semblant d’apaisement dans la présence de l’autre. Dans la série Outlander, par exemple, Jamie et Claire affrontent ensemble les séquelles d’abus et de guerre, offrant une image remarquablement juste de la reconstruction post-traumatique (dinna-fash-sassenach.com).
Plus près de nous, dans le roman Nos Âmes Tourmentées, Azalea, victime d’agressions sexuelles, retrouve sa capacité d’agir après avoir revu ses agresseurs dans une situation non forcée (Scribd). Ces histoires mettent en lumière une hypothèse : la rencontre guérit quand elle ne cherche pas à réparer, mais à comprendre.
Une mécanique plus ancienne qu’il n’y paraît
Ce schéma n’est pas nouveau. Dans Le Roman comique, œuvre du XVIIe siècle, le hasard provoque la rencontre entre Le Destin et Léonore dans un jardin. Il la sauve d’une agression, elle l’éblouit, et tout bascule (OpenEdition). Ce que certains appellent deus ex machina, d’autres y voient un agencement du destin.
Œuvre | Personnages | Lieu de rencontre | Conséquence |
---|---|---|---|
Nos Âmes Tourmentées | Azalea / Josh | Petit village | Affrontement psychique libérateur |
Outlander | Claire / Jamie | Château / camp | Guérison mentale réciproque |
Le Roman comique | Le Destin / Léonore | Jardin romain | Union amoureuse |
Et maintenant ?
Marjolaine et Adrien se voient toujours, mais ne parlent pas d’amour. Du moins, pas en ces termes. Ils parlent de confiance, de sérénité. Elle l’a accompagné à son premier rendez-vous de suivi en psychothérapie. Il l’a aidée à écrire, chaque dimanche, une page sans juger la syntaxe. Leur lien reste fragile. Comme ces lampes de chevet qui rassurent, sans jamais éclairer toute la pièce.
« Dans une ruelle, une rencontre fortuite entre deux âmes blessées réécrit leur avenir ». Cette phrase, Marjolaine l’a prononcée au moment où je les ai quittés. Je la croyais trop belle pour être honnête. Mais une part de moi doute encore qu’elle ait été prononcée par hasard.
Comment le hasard influence-t-il les relations humaines ?
Selon la sociologie, le hasard agit comme révélateur plus que facteur déclencheur. Georg Simmel le définit comme un catalyseur émotionnel qui réunit deux trajectoires prêtes à s’altérer. L’espace public devient alors scène de révélation, transformant des passants en compagnons de perdition ou de réparation.
Quels sont les exemples de rencontres fortuites dans la littérature ?
Outre Le Roman comique, on retrouve ce motif chez Hugo (Les Misérables), Balzac (Le Père Goriot), et même Zola (La Curée). Chaque fois, la rencontre constitue un point de bascule pour les personnages. Dans la littérature contemporaine, des romans comme Nos Âmes Tourmentées ou Avant toi poursuivent cette logique.
Comment les personnages blessés peuvent-ils transformer leur avenir ?
Par l’écoute, la confiance, l’acceptation du passé sans volonté de le réécrire. Le soutien mutuel agit comme un miroir de résilience. Ces relations ne guérissent pas forcément, mais redéfinissent la place de la souffrance dans le récit de soi.
Quels sont les thèmes récurrents dans les histoires de rencontres fortuites ?
- Le sentiment d’incomplétude
- La résonance silencieuse (on se comprend sans mots)
- Le pouvoir des lieux marginaux (ruelles, jardins, gares)
- L’absence de hasard perçu comme signe
Comment les auteurs utilisent-ils le hasard pour faire avancer l’intrigue ?
Ils mettent en scène des coïncidences apparentes, souvent critiquées comme artificielles, mais qui permettent d’explorer l’inconscient des personnages. Le hasard devient ainsi un outil narratif révélant les tensions internes à travers des événements extérieurs inattendus.