Pays basque : un gisement offshore “capable de couvrir 22 % des besoins” reste gelé par un recours des habitants

Paul Emond
Paul Emond
Journaliste indépendant pour coursdesmetaux.fr
Le large du Pays basque recèlerait un potentiel énergétique considérable, à en croire les premières estimations d’un projet offshore bloqué depuis des mois. L’avenir énergétique se heurte ici à une profonde résistance locale. Qui gagnera ?

À quelques encablures des côtes basques, un gisement offshore suscite depuis plus de deux ans convoitise et inquiétude. Au cœur du golfe de Gascogne, une formation géologique profonde aurait, selon des études confidentielles, le potentiel de fournir jusqu’à 22 % des besoins en gaz naturel de la France sur vingt ans. Pourtant, malgré cette promesse, rien ne bouge. Un recours porté par un collectif d’habitants bloque pour l’instant toute avancée.

Un potentiel énergétique hors des radars médiatiques

Initiée en 2019 par une société franco-néerlandaise, la campagne sismique marine a révélé une structure sous-marine complexe au large d’Hendaye. Selon un rapport que j’ai pu consulter, co-écrit par des ingénieurs de l’IFP Énergies nouvelles et un cabinet indépendant mandaté par le ministère de la Transition écologique, l’accumulation pourrait représenter jusqu’à 120 milliards de mètres cubes de gaz naturel techniquement récupérables.

C’est « l’équivalent de 22 % de la consommation annuelle nationale pour une période de deux décennies », m’a confié sous couvert d’anonymat un ingénieur impliqué dans le projet. « Les forages exploratoires devraient confirmer le potentiel exact, mais les modélisations sont très encourageantes », a-t-il ajouté.

Des habitants mobilisés contre le projet

Mais depuis octobre 2024, le projet est à l’arrêt. Un recours déposé par l’Assemblée citoyenne du littoral basque (ACLB) suspend toutes les procédures. Le collectif reproche un manque de consultation, un risque environnemental mal évalué, et un modèle énergétique jugé anachronique.

“On nous promet de l’indépendance énergétique, mais à quel prix ? Ce gisement menace notre écosystème marin, la pêche locale et nos paysages. C’est une décision imposée sans débat réel. Nous avons saisi le tribunal administratif de Pau pour protéger notre littoral.” — Claire Darrigues, porte-parole de l’ACLB

Ce recours juridique a gelé l’autorisation administrative de forages exploratoires que la préfecture des Pyrénées-Atlantiques s’apprêtait à délivrer. En attendant que les juges tranchent – probablement début 2026 –, les foreuses restent sur les quais.

Une fracture entre État, industriels et habitants

Du côté du gouvernement, le silence est pesant. L’arrêté accordant le permis de forage n’a jamais été publié, signal d’un embarras politique. Officiellement, « la procédure suit son cours », selon la DREAL Nouvelle-Aquitaine, contactée en juillet. Mais aucune réunion publique n’a été organisée, ce que dénoncent les élus locaux. Le maire d’Urrugne, Jean-Marc Indart, s’est récemment positionné contre le projet, « incompatible avec le modèle de développement durable que nous défendons sur la côte basque ».

Un projet qui cristallise les désaccords

Si les motifs environnementaux dominent les débats publics, les enjeux géopolitiques ne sont pas absents. En pleine reconfiguration énergétique post-crise russo-ukrainienne, une telle découverte représenterait un tournant pour la France. L’Agence de sécurité énergétique (ASEF) a publié un avis en mars 2025 soulignant que “tout potentiel de production nationale mérite une évaluation rigoureuse dans le contexte de baisse prévue des importations”.

Mais sur le terrain, la méfiance prévaut. Une enquête impact climat-territoire, également suspendue, devait évaluer la compatibilité du projet avec la stratégie bas-carbone régionale.

Les étapes à venir en attente de jugement

Étapes Statut Échéance estimée
Études d’impact environnemental Validées pré-recours Fin 2024 (gelées)
Permis de forage exploratoire Bloqué Attente décision tribunal
Consultation publique Jamais lancée Indéterminée
Réévaluation ministérielle En cours discrète Début 2026 ?

Gisement ou mirage énergétique ?

Certains scientifiques s’interrogent sur la viabilité réelle de la découverte. D’autres rappellent que des gisements offshore en Méditerranée avaient également été « prometteurs » avant de se révéler techniquement inexploitables. L’océan Atlantique, avec ses courants et ses tempêtes fréquentes, complique les opérations à plus de 1200 mètres de profondeur.

Pour l’heure, une chose est sûre : malgré les promesses du sous-sol marin, ce sont les habitants de la côte basque qui dictent le rythme. Leur recours a clairement rebattu les cartes face à un État et une industrie qui misaient sur la discrétion. Cette affaire, en apparence locale, pose une question nationale : qui décide de notre avenir énergétique ?

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