J’ai racheté une maison dans lequel il y avait un forage de 1887, voici ce que j’ai pu en extraire

Paul Emond
Paul Emond
Journaliste indépendant pour coursdesmetaux.fr
En rachetant une bâtisse ancienne dans les Hauts-de-France, un détail sur le terrain a attisé ma curiosité dès la première visite.

Un petit cabanon de pierre au fond du jardin, à moitié enseveli sous les ronces. À première vue, rien d’extraordinaire. Mais une trappe en fonte rouillée, figée dans le temps, m’a conduit à faire ce que beaucoup auraient négligé : soulever le couvercle de l’histoire.

Une surprise enfouie : le forage de 1887

C’est en février dernier, après avoir finalisé l’achat d’un corps de ferme datant du XIXe siècle près de Douai, que j’ai décidé de m’attaquer aux annexes abandonnées. Au fil des travaux, nous tombons sur l’ouverture d’un ancien puits. Un cercle maçonné, profond, équipé d’un ancien système de relevage manuel. En creusant les archives communales, je mets la main sur un registre cadastral de 1889 mentionnant un « forage privé profond à eau claire, achevé début 1887 ».

Intrigué par son potentiel, je me tourne vers un hydrogéologue de la région. Premier constat : il ne s’agit pas d’un simple puits domestique, mais d’un forage de captation profond, probablement destiné à alimenter une activité rurale structurée (brasserie ou exploitation agricole). Sa profondeur est estimée à plus de 18 mètres.

Ce que j’ai pu en extraire (et pas seulement de l’eau)

Avant toute utilisation, j’ai procédé à une série d’analyses : prélèvements bactériologiques, mesure des nitrates et métaux lourds… Résultat ? Une qualité d’eau jugée médiocre et impropre à la consommation humaine sans traitement. Un cuvelage en fonte fissuré, des infiltrations latérales et aucune protection de tête de forage. Pourtant, au fil de l’enquête, c’était moins l’eau que l’histoire de ce puits qui devenait captivante.

« J’ai racheté une maison dans laquelle il y avait un forage de 1887. Il m’a fallu peu de temps pour comprendre que ce n’était pas seulement un forage, mais un fragment de mémoire locale » témoigne Lucas S., nouveau propriétaire, passionné par la rénovation et l’histoire industrielle.

Au fond du puits, des fragments de clayettes en bois, rouillés mais intacts, ont été retrouvés. Des résidus charbonneux ont été relevés lors d’un échantillonnage du fond. Après consultation d’un géologue de la DREAL, l’hypothèse d’un lien avec une ancienne activité minière proche a été évoquée. Rien d’étonnant dans les environs du bassin minier du Nord.

Un objet historique soumis à des règles contemporaines

Déclaration obligatoire en mairie

Dans le droit en vigueur, un forage antérieur à 1993 relève d’une procédure de déclaration d’antériorité. Cela concerne mon cas. J’ai donc récupéré et déposé le formulaire Cerfa N°13837*02 auprès de la mairie, comme l’exige le Code de l’environnement (article L.214-3). Si cette obligation n’est pas remplie, les risques sont réels : sanctions administratives ou fiscales, voire mise en conformité forcée selon la préfecture des Pyrénées-Orientales.

Diagnostic technique et sécurité

Un rapport d’expertise a confirmé la vétusté du cuvelage. Il présentait des risques de contamination croisée. Des analyses ont également permis d’identifier une contamination métallique et bactérienne.

Élément analysé Résultat Norme acceptable (eau potable)
Nitrates 78 mg/L < 50 mg/L
Plomb 19 µg/L < 10 µg/L
Escherichia coli Présence Absence

En raison de ces résultats, et pour me conformer à la réglementation (cf. DDT du Rhône), j’ai dû mettre en place un dispositif anti-retour des eaux et sécuriser la tête de forage. Des dépenses imprévues, mais nécessaires. Budget total : environ 3800€.

Une fenêtre sur un passé industriel oublié

Ce type de forage, profond et maçonné, était souvent utilisé dans le cadre d’activités semi-industrielles. D’après un document de l’EPA (États-Unis), de nombreux puits anciens étaient reconvertis ou scellés pour éviter les contaminations.

L’un des faits les plus marquants pour moi reste la corrélation probable avec une exploitation minière du Borinage voisin, où des puits identiques ont été partiellement détruits après un ouragan majeur en 1892. Cette piste, encore en cours de vérification via le BRGM (base BSS), pourrait confirmer un usage industriel transfrontalier du réseau souterrain. Un dossier patrimonial pourrait être ouvert si les évidences s’accumulent.

FAQ

Quelle est l’origine historique du forage de 1887 ?

Les archives cadastrales et communales indiquent que l’infrastructure servait probablement à l’alimentation d’un corps artisanal ou agricole. Le contexte régional minier pourrait aussi induire un usage secondaire ou dérivé, notamment en période de sécheresse pour l’industrie.

Quels types de matériaux ont été utilisés pour construire le forage ?

Principalement de la maçonnerie en brique rouge et un cuvelage métallique en fonte. Certains éléments en bois retrouvés au fond servaient probablement au guidage ou au pompage manuel.

Y a-t-il eu des accidents ou des problèmes notables lors de l’utilisation de ce forage ?

Aucune trace d’incident dans les registres de la commune entre 1887 et 1950, période où son usage semble actif. Il est possible qu’une contamination ait entraîné son abandon progressif avant les années 1960.

Comment puis-je vérifier la sécurité et la qualité de l’eau extraites de ce forage ?

Il faut réaliser un diagnostic par un laboratoire agréé. Les tests doivent inclure bactéries, nitrates, métaux lourds, pesticides. Ces prestations sont disponibles via les ARS ou des cabinets privés spécialisés.

Existe-t-il des documents ou des archives sur l’histoire de ce forage ?

Oui. Consulter les archives départementales, le service urbanisme de votre mairie ou la base BSS du BRGM (bss.eaufrance.fr). C’est par ce biais que j’ai retrouvé l’enregistrement de 1889.

Finalement, ce forage n’aura pas seulement servi à pomper un peu d’eau. Il m’aura permis de puiser quelque chose d’infiniment plus précieux : une mémoire enfouie que les plans cadastraux ne racontent pas toujours, mais que les pierres, elles, n’oublient jamais.

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