À première vue, ce n’est qu’un vieux puits parmi d’autres, envahi de fougères, posé là comme une cicatrice du passé industriel britannique. Pourtant, ce modeste accès à la roche, niché dans les collines d’Alderley Edge, pourrait bien devenir le théâtre d’un nouveau chapitre, bien plus contemporain que ses 200 ans d’histoire le laissent penser.
Une promesse enfouie dans l’histoire
En 2022, une équipe de volontaires de la Derbyshire Caving Club, passionnés de patrimoine industriel, découvre une mine de cobalt intacte dans le Cheshire, à l’ouest de l’Angleterre. Les galeries, creusées au XIXᵉ siècle, conservaient des outils d’époque, des inscriptions au mur, et même des vestiges de lampes à huile. Un véritable instantané du passé minier britannique.
Le site d’Alderley Edge, connu pour ses légendes liées à l’alchimie et à la formation géologique unique du sous-sol anglais, avait été laissé à l’abandon depuis les années 1860. Mais cette redécouverte alimente désormais les spéculations. Des entrepreneurs locaux et des géologues indépendants affirment que la zone recèlerait potentiellement plusieurs centaines de milliers de tonnes de minerai à analyser. L’enthousiasme enfle à mesure que le cobalt, crucial pour les batteries des véhicules électriques, attise l’appétit mondial.

Le mirage des 55 millions de tonnes
Rapidement, des rumeurs circulent sur la possible présence d’un gisement colossal : 55 millions de tonnes de cobalt caché sous les couches sédimentaires du nord-ouest anglais. J’ai suivi cette piste. Multiples appels, lecture de cartes géologiques, entretiens croisés entre géologues et haut-fonctionnaires : aucun élément concret ne permet d’appuyer une telle estimation.
Le British Geological Survey, que j’ai consulté, exclut pour l’instant toute preuve d’un tel volume. Les experts comme le professeur Andrew Bloodworth rappellent que les concentrations connues dans cette région sont modestes, bien inférieures à celles du cuivre ou du plomb historiquement extraits dans la zone.
“Nous parlons ici d’une mine de valeur patrimoniale, pas d’un Eldorado énergétique”, m’a confié Joanna Wills, spécialiste en géochimie minière à l’Université de Manchester. “Mais cela ne veut pas dire qu’elle est sans intérêt. Elle participe à un débat bien plus large.”
L’industrie minière britannique se cherche un avenir
Alors que la République Démocratique du Congo fournit encore 76 % du cobalt mondial, plusieurs pays cherchent à se positionner comme alternatives stratégiques. L’Indonésie, avec ses projets intégrés de nickel-cobalt, pourrait dépasser le Congo d’ici 2040 selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA).
Face à cette concentration géographique et aux controverses qui l’accompagnent — exploitation infantile, conditions de travail, instabilité politique —, la redécouverte d’un potentiel européen, même modeste, soulève la question de la résilience industrielle du continent.
Des projets plus concrets en Australie et ailleurs
En parallèle, des pays avancent à grands pas. Le projet australien Cobalt Blue, selon Nasdaq, prévoit une raffinerie capable de produire 3 000 tonnes de sulfate de cobalt par an. Et ce dès cette année.
La production mondiale, selon les prévisions de Mine Magazine, devrait atteindre 410 900 tonnes d’ici 2030, portée par une hausse modérée de la demande, malgré la montée des batteries LFP (sans cobalt), qui dominent déjà 65 % du marché chinois selon le site Afrique XXI.
Que dit réellement le marché du cobalt en 2025 ?
Année | Prix moyen (USD/tonne) | Production mondiale (kt) |
---|---|---|
2024 | 16 000 | 380 |
2025 | 17 000 | 390 |
2030 (prévision) | – | 410,9 |
Malgré ces chiffres, le marché connaît actuellement une légère saturation, avec un excédent estimé à 21 000 tonnes pour 2025. Le ralentissement de la demande, couplé à l’émergence de nouvelles technologies de batteries sans cobalt, pèse sur les investissements à court terme.
Un symbole plus qu’un gisement
Si les 55 millions de tonnes relèvent du fantasme médiatique, la mine d’Alderley Edge, elle, existe bien. Elle incarne un tournant : celui d’un retour de l’attention vers le sous-sol européen, entre les impératifs écologiques, la relocalisation industrielle et des impératifs de souveraineté minérale. La Grande-Bretagne n’en est qu’aux balbutiements d’une réflexion sur la réactivation de certains sites oubliés.
FAQ
Quels sont les principaux défis pour la réouverture d’une ancienne mine abandonnée ?
- Remise aux normes de sécurité : anciennes galeries instables, ventilation insuffisante, risques d’effondrement
- Analyses géologiques fines pour estimer la rentabilité potentielle
- Enjeux environnementaux : pollution éventuelle des nappes phréatiques, rejets dans l’air
- Acceptabilité locale : les populations voisines sont souvent réticentes
Comment la découverte de ce gisement de cobalt pourrait-elle influencer l’économie locale ?
Si l’exploitation s’avérait viable, elle pourrait générer des emplois qualifiés dans une région désindustrialisée. Mais les impacts dépendraient largement du modèle d’exploitation choisi (public, privé, partenariats internationaux).
Quels sont les impacts environnementaux potentiels de la réouverture de cette mine ?
Même à échelle réduite, l’extraction de cobalt reste énergivore. Elle produit des poussières, des effluents acides et perturbe les écosystèmes souterrains. Des contrôles stricts seraient nécessaires, en particulier sur un site patrimonial.
Quelle est la situation actuelle du marché du cobalt et comment évolue-t-il ?
Le marché est globalement en surplus à court terme, avec des prix relativement bas. Mais les projections restent à la hausse d’ici 2040 (+50 % selon l’IEA), en fonction de la transition énergétique et du type de technologie de batteries qui s’imposera.
Quels sont les autres pays qui pourraient devenir des leaders dans la production de cobalt ?
Outre l’Indonésie déjà en pleine ascension, l’Australie, les Philippines et le Canada investissent massivement pour structurer des filières intégrées. La diversification géographique est l’un des grands enjeux du prochain cycle minier mondial.