Trouvaille inestimable : une réserve de 10 millions de tonnes de lithium dans une zone protégée d’Europe

Mathias Debroize
Mathias Debroize
Master 2 en finance, régulateur des marchés financiers
Des relevés géologiques récents ont ravivé les tensions entre protection des écosystèmes et ambitions stratégiques autour des métaux critiques.

Ce que certains considèrent comme une bénédiction énergétique s’avère être une nouvelle fracture entre écologie et géopolitique. Une prétendue réserve de 10 millions de tonnes de lithium aurait été identifiée en territoire européen, au cœur d’une zone protégée. Mais derrière l’annonce choc, les réalités sont plus complexes.

Un chiffre contesté, une réserve bien réelle

L’annonce, d’abord relayée sur les réseaux sociaux et certains blogs spécialisés, laisse croire à la découverte d’un gigantesque gisement de 10 millions de tonnes de lithium dans une zone classée Natura 2000. Très vite, l’attention se tourne vers le site de Tréguennec, en Bretagne, déjà connu pour abriter une réserve modeste mais réelle.

Selon les données compilées par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et confirmées sur www.reporterre.net (lien nofollow), le site recèlerait jusqu’à 66 000 tonnes de lithium dissimulées dans un sous-sol granitique. Bien loin des 10 millions annoncés donc, mais suffisant pour relancer un débat déjà tendu sur l’extraction en zone protégée.

Tréguennec : le choc des intérêts

Classé Natura 2000, le site de Tréguennec cumule les inquiétudes : biodiversité fragile, littoral actif, et mémoire sensible d’un ancien chantier de l’organisation Todt sous l’Occupation. La région n’en reste pas moins au cœur des projections gouvernementales pour renforcer l’autonomie minérale de la France face à la Chine et l’Amérique du Sud.

« On comprend les enjeux stratégiques, mais à quel prix ? Extraire ici reviendrait à sacrifier une zone à la fois écologique, historique et sociale. On n’a pas été consultés », confie Maud Letellier, militante au collectif « Sable et Résistance ».

Les oppositions prennent de l’ampleur. Une pétition en ligne avoisine les 80 000 signatures. Le ministre délégué à l’Industrie maintient pourtant que « l’avenir des batteries se joue sous nos pieds ».

Ukraine : un autre gisement, autres enjeux

À l’est du continent, c’est une autre histoire qui se joue. Le site de Shevchenko, en Ukraine, concentre jusqu’à 5,7 millions de tonnes de lithium dans ses entrailles, d’après les déclarations ukrainiennes citées sur www.eccu.fr (lien dofollow). Moscou, qui occupe militairement cette partie du territoire, revendique pour sa part des réserves géologiques qualifiées de « stratégiques », jusqu’à un maximum théorique de 13,8 millions de tonnes selon ses services géologiques (source : https://www.eccu.fr/fr/news).

Le gisement n’est pas classé en zone protégée, mais son exploitation est actuellement impossible : enclavé dans une zone de conflit, il n’échappe à personne que son contrôle offre un levier géopolitique tout aussi précieux que dangereux.

Dans le fossé rhénan : potentiel diffus, tensions locales

Entre la plaine d’Alsace et la Forêt-Noire, les eaux chaudes du Rhin Supérieur recèlent elles aussi du lithium, cette fois dans les saumures géothermales. Des projets pilotes, portés notamment par Vulcan Energy, ambitionnent une extraction sans mine à ciel ouvert. L’Allemagne estime à 3,8 millions de tonnes son potentiel national dans cette région (source : https://discoveryalert.com.au/news/germany-lithium-reserves-2025-transform-energy-future/).

La France, elle, identifie une quarantaine de sites d’intérêt sur son territoire selon le BRGM. Certains jouxtent des zones protégées, d’autres concernent déjà les nappes phréatiques. Là encore, les tensions surgissent entre impératifs environnementaux et projets industriels.

La pression européenne sur fond de pénurie

La découverte de nouvelles réserves, qu’elles soient massives ou plus modestes, ne relève pas du hasard. Elle s’inscrit dans une stratégie poussée par Bruxelles pour réduire la dépendance aux importations. L’Union européenne prévoit de produire localement 40 % de ses batteries d’ici 2030, face à une demande exponentielle.

Selon un rapport de l’Agence européenne des matières premières critiques, sans nouvelles mines et technologies, le Vieux Continent pourrait manquer de 50 000 tonnes de lithium par an dès 2030. Même si la production européenne atteignait son plateau théorique, elle ne couvrirait que 25 à 35 % de ses besoins.

Extraction vs préservation : arbitrages en urgences

Plusieurs ONG environnementales pointent les risques associés à ces projets, y compris sur des sites non exploités. Le coût écologique d’une extraction en profondeur (parfois à plus de 1 000 mètres) reste élevé. La technologie, très gourmande en eau, génère également des résidus polluants difficiles à traiter. En France, 15 permis d’exploration ont été délivrés depuis 2022 selon les chiffres du ministère de l’Économie (consultables sur www.economie.gouv.fr).

  • Consommation d’eau accrue pour le traitement du minerai
  • Risques de pollution des nappes phréatiques
  • Impact visuel et sonore même pour les mines souterraines

À rebours, certains industriels plaident pour une extraction durable via la géothermie ou la filtration membranaire. Mais ces techniques, bien qu’innovantes, restent coûteuses et peu éprouvées à grande échelle.

Foire aux questions

Quels sont les principaux défis environnementaux liés à l’extraction du lithium en Europe ?

Ils concernent notamment l’appauvrissement en eau douce, la fragmentation des écosystèmes, et les impacts sur les nappes phréatiques. Les zones protégées, comme Natura 2000, sont particulièrement sensibles à ces perturbations.

Comment la découverte de réserves de lithium en Europe pourrait-elle influencer la politique énergétique de l’UE ?

Ces découvertes pourraient accélérer les investissements dans des chaînes de production locales. L’objectif affiché est de sécuriser l’approvisionnement en métaux critiques, en réduisant la dépendance aux pays tiers.

Quels pays européens ont les plus grandes réserves de lithium ?

Selon plusieurs estimations :

Pays Réserves estimées
Allemagne Jusqu’à 26,5 millions de tonnes (valeur sujette à controverse)
Ukraine 5,7 à 13,8 millions de tonnes (selon les sources)
France Environ 66 000 tonnes (Tréguennec), jusqu’à 1 million sur le territoire
Serbie 1,2 million de tonnes (projet Jadar)

Comment les réserves de lithium en Europe se comparent-elles à celles des autres continents ?

L’Amérique du Sud domine avec des gisements dans le « triangle du lithium » (Bolivie, Chili, Argentine). L’Europe reste marginale à l’échelle mondiale, représentant moins de 10 % des réserves recensées globalement (source : worldpopulationreview.com).

Quelles technologies sont utilisées pour extraire le lithium de manière durable en Europe ?

Les plus prometteuses incluent :

  • La géothermie profonde (avec extraction directe de saumures)
  • Les membranes de nanofiltration
  • L’utilisation de ressources secondaires (recyclage des batteries)

Mais leur déploiement reste limité en raison des coûts et de la complexité technique.

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