Shein et Temu : plus de 15 000 commerces français menacés de fermeture, Bercy dévoile ses mesures mardi

Mathias Debroize
Mathias Debroize
Master 2 en finance, régulateur des marchés financiers
Le paysage commercial français se transforme à vive allure, sous la montée en puissance de géants étrangers du e-commerce.

En quelques mois à peine, les vitrines de nos centres-villes se sont obscurcies, pendant que les notifications Temu ou Shein se multipliaient sur les smartphones. Derrière cette transformation, une réalité brutale : plus de 15 000 commerces français sont aujourd’hui menacés de fermeture. Mardi, Bercy a annoncé de premières mesures destinées à enrayer cette disruption économique sans précédent.

Montée fulgurante et fissures dans le tissu commercial

Dans une Europe submergée par une avalanche de colis venus de Chine, le signal d’alarme est désormais national. En France, plus d’un colis sur cinq livré par La Poste provient de Shein, Temu ou AliExpress. Au total, ce sont 4,6 milliards d’envois à moins de 150 euros qui ont été importés en Europe en 2024, dont 91 % directement depuis la Chine (source : https://www.ecommercemag.fr).

Cette vague commerciale déborde largement les zones industrielles ou les périphéries urbaines. Elle infiltre le quotidien, détourne l’attention, et surtout, étouffe progressivement le commerce traditionnel. Selon plusieurs estimations sectorielles relayées notamment par EcommerceMag, plus de 15 000 points de vente indépendants seraient aujourd’hui à risque en France.

Un modèle économique destructeur

À l’origine de cette crise, un double mécanisme. D’abord, une exemption de TVA sur les colis de moins de 150 euros. Cette niche douanière permet aux plateformes chinoises d’inonder le marché à prix cassés. Ensuite, un modèle logistique ultradirect : production, acheminement, livraison, sans intermédiaires. À ce jeu-là, la boutique de quartier ne tient pas la distance.

« J’ai vu mon chiffre d’affaires fondre de 40 % en un an. Avec Shein, mes clientes comparent en direct leurs prix dans ma propre boutique », témoigne Claire, propriétaire d’un magasin de prêt-à-porter à Tours depuis 2009. « Je ne peux pas aligner mes tarifs. Même mes fournisseurs commencent à me lâcher. J’étouffe. »

Les réponses de Bercy : une stratégie en trois volets

Face à cette urgence concrète, le gouvernement a dévoilé ce mardi un plan de riposte. L’objectif est à la fois de rétablir une forme d’équité économique et de corriger les effets néfastes d’une consommation massive, court-termiste et carbone-intensive.

  • Suppression de l’exemption douanière sur les colis de moins de 150 € : elle sera portée à l’échelle européenne dès 2026, mais la France ambitionne d’anticiper via une application unilatérale provisoire (source : Euractiv).
  • Taxe environnementale progressive : jusqu’à 10 € par article de fast fashion en 2030, visant les volumes rapides et peu durables (projet de loi en cours d’examen).
  • Encadrement publicitaire : Shein, Temu et autres plateformes pourraient voir leurs publicités productivistes restreintes, notamment sur les réseaux sociaux.

Jeux d’alliances et tensions diplomatiques

Ce plan n’est pourtant pas sans conséquences. À Pékin, l’offensive française est perçue comme une mesure protectionniste. Le journal China Daily (https://www.chinadaily.com.cn) a relayé les critiques de plusieurs officiels chinois menaçant d’en appeler à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Une riposte commerciale ciblée n’est pas exclue.

Dans l’espace public français, le débat est, lui, plus social. La disruption provoquée n’épargne pas les métropoles, mais frappe plus durement les moyennes et petites villes, déjà fragilisées par les fermetures d’agences bancaires ou de bureaux de poste. La perspective d’un effondrement local se précise.

Les chiffres d’un renversement économique

Indicateur Shein Temu
Part de marché 2024 1ère marque textile en France 11,9 % du e-commerce français
Volume de croissance +125 % sur 2023 +178 % la 1ère année
Nombre de colis traités > Amazon France > Amazon France
(via La Poste)

En France comme ailleurs en Europe, la réponse gouvernementale devra composer avec un consommateur largement acquis à ces plateformes. La commodité, la simplicité de l’expérience d’achat et les prix bas séduisent toutes générations confondues. La bascule est culturelle, autant qu’économique.

Quelles sont les mesures spécifiques que Bercy prévoit de mettre en place contre Shein et Temu ?

La suppression de l’exemption douanière pour les commandes en dessous de 150 €, la mise en place d’une taxe environnementale progressive allant jusqu’à 10 € par article, et un encadrement renforcé de la publicité ciblée sont les trois axes principaux révélés cette semaine.

Comment les petites entreprises françaises peuvent-elles se protéger face à la concurrence de Shein et Temu ?

Certaines boutiques s’adaptent en renforçant l’aspect local, les circuits courts, ou encore l’événementiel en boutique. Des modèles hybrides (commerce physique + vente en ligne raisonnée) commencent aussi à émerger avec de petits acteurs entamant leur propre numérisation.

Quels sont les impacts économiques potentiels de la fermeture de ces commerces sur les villes françaises ?

La disparition de commerces physiques affecte l’emploi local, l’attractivité résidentielle et les recettes fiscales. Elle accélère les phénomènes de désertification commerciale, en particulier dans les communes moyennes.

Comment les consommateurs réagissent-ils à la montée en puissance de Shein et Temu en France ?

Massivement plébiscitées pour leurs prix et choix, ces plateformes bénéficient d’un taux de satisfaction élevé. Néanmoins, les préoccupations liées à la qualité des produits, aux retours difficiles ou aux conditions de production gagnent aussi en visibilité.

Quels sont les arguments principaux des défenseurs de Shein et Temu face aux mesures françaises ?

Les partisans de ces plateformes évoquent principalement la démocratisation de l’accès à la mode ou l’équipement à bas coût, un levier de pouvoir d’achat inédit. Ils dénoncent également un protectionnisme déguisé pouvant nuire à la concurrence et aux consommateurs.

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