Ce devait être une saison normale pour Élodie Martel, exploitante de la ferme des Colines, à proximité de Lavaur, dans le Tarn. Mais un événement inattendu a bouleversé le destin de ses terres cultivées en bio depuis près de 12 ans. En creusant une tranchée pour renouveler un système d’irrigation, son employé tombe sur des fragments métalliques aux reflets jaunes. Une analyse rapide confirme : de l’or. Beaucoup d’or.
Un trésor de 7 tonnes sous une petite ferme bio
Le Service géologique national dépêché sur place révèle l’ampleur du gisement. Ce sont plus de 7 tonnes d’or brut, enfouies à seulement 12 mètres de profondeur, avec une forte concentration sur la parcelle centrale de la ferme. Selon les estimations fondées sur le cours actuel du métal, cela représenterait près de 415 millions d’euros.
La découverte est alors tenue sous embargo par les autorités pendant plusieurs jours. Mais à peine le gisement validé qu’une procédure éclaire d’expropriation est engagée au nom de « l’intérêt général », selon les termes employés dans l’arrêté préfectoral transmis à l’exploitante le 18 juin.

« Je me suis sentie littéralement expulsée »
« On nous vole notre terre après des années de travail biologique. Ce terrain n’est pas un stock à ponctionner, c’est une vie qu’on construit. Je me suis sentie littéralement expulsée par un intérêt que je n’ai jamais défini » — Élodie Martel
Le soutien s’organise rapidement autour d’elle. Plusieurs collectifs agricoles et écologistes dénoncent une confiscation sans dialogue public. Si le Code minier français stipule que les ressources souterraines stratégiques appartiennent à la nation (article L111-1 du Code minier), les modalités de déclenchement par la préfecture et l’absence de procédure d’indemnisation immédiate interrogent.
La notion d’intérêt général remise en question
J’ai consulté plusieurs juristes spécialisés en droit foncier. Tous soulignent le caractère flou de cette notion dans le cadre minier. À l’inverse d’une expropriation pour construction d’infrastructures, l’extraction aurifère est ici à visée purement économique, ce qui pourrait nourrir des contentieux à venir.
Voici quelques points clés issus des textes actuels :
- Le sous-sol appartient à l’État pour les ressources stratégiques
- La procédure de déclaration d’utilité publique peut être lancée sans concertation
- L’indemnisation intervient après évaluation de la préfecture (délais variables)
Le gouvernement, via le Ministère de l’Économie, a confirmé à demi-mot qu’un plan d’exploration nationale était en cours depuis 2024, visant à réduire la dépendance stratégique aux importations minières. L’or s’inscrit désormais dans cette logique, au même titre que le lithium.
Des précédents qui inquiètent dans d’autres régions
Ce n’est pas la première fois que l’État agit de cette manière. En avril dernier, à Caussimon, dans l’Aveyron, un dépôt de lithium supposé sous un ancien magasin a été immédiatement sécurisé, interdisant tout accès (source : MJCaussimon.fr). L’événement avait suscité moins de polémique car aucun résident particulier n’était juridiquement lésé.
Dans le cas de la ferme du Tarn, le contraste entre l’identité bio, l’attachement au foncier et la brutalité de l’intervention publique crée une onde de choc dans la région.
Lieu | Ressource | Situation |
---|---|---|
Lavaur (Tarn) | Or (7 tonnes) | Expropriation immédiate |
Caussimon (Aveyron) | Lithium | Accès interdit |

Un débat qui dépasse le Tarn
Ce cas réactualise plusieurs tensions au cœur de la souveraineté écologique : comment articuler transition énergétique, respect des terres agricoles et priorités économiques ? L’Agence nationale pour la cohérence territoriale (ANCT) n’a pas souhaité répondre à mes questions, indiquant que les arbitrages étaient en cours.
FAQ
Quelles sont les réactions des habitants locaux face à cette découverte ?
La population locale exprime un mélange de fierté et d’indignation. Certains voient dans cette opération une banalisation de la dépossession au profit d’intérêts que les habitants ne contrôlent plus. Plusieurs rassemblements spontanés ont eu lieu à Lavaur et Saint-Sulpice-la-Pointe.
Comment l’État justifie-t-il la dépossession de la ferme bio ?
La préfecture invoque l’intérêt général lié à la nature stratégique de l’or, en application du Code minier. La Direction générale de l’énergie et du climat a confirmé que l’usage national du minerai prévalait sur la propriété privée.
Quelles sont les implications environnementales de l’extraction de l’or ?
L’or nécessite une exploitation très invasive : concassage de roche, usage de cyanure ou mercure (interdits dans l’UE mais utilisés ailleurs). L’impact écologique pourrait être considérable selon les techniques employées. L’Agence de la transition écologique (ADEME) n’a pas encore mené d’étude terrain.
Y a-t-il d’autres exemples similaires dans d’autres régions ?
Oui, en plus de Caussimon (lithium), plusieurs sites en Corse-du-Sud et dans le Morvan font actuellement l’objet de prospections géologiques intensives, parfois contestées par les riverains ou les maires.
Quelles sont les perspectives économiques pour la ferme bio après cette découverte ?
À l’heure actuelle, Élodie Martel n’a pas reçu d’offre d’indemnisation. Elle évoque un recours juridique. Le terrain ayant été clôturé par des agents d’une société privée mandatée, elle n’a plus accès à ses cultures. Les contrats d’approvisionnement en bio qu’elle avait signés sont suspendus.