CASA c’est fini : l’enseigne demmande son placement en redressement judiciaire, « l’arrivée de ce discounter nous a fait du mal »

Gary Hubert
Gary Hubert
Analyste financier
Dans un secteur dominé par des mutations rapides, certaines enseignes n'ont pas su suivre le rythme imposé par les changements.

L’information a fait l’effet d’une onde de choc dans les allées souvent feutrées du commerce de décoration : Casa France, bien connue du grand public pour ses produits d’ameublement accessibles, a officiellement demandé son placement en redressement judiciaire. Une décision qui précède une liquidation prononcée quelques semaines plus tard, laissant des centaines de salariés dans l’incertitude.

Une enseigne historique qui s’effondre

Le Tribunal de commerce de Bobigny a confirmé le 11 juin 2025 ce que redoutaient déjà les équipes internes depuis plusieurs mois : la branche française de Casa, forte de 143 magasins répartis sur le territoire, cesse ses activités. L’enseigne a été placée en liquidation judiciaire, après une tentative de redressement entamée en avril. En cause, une série d’événements qui, mis bout à bout, ont précipité sa chute.

Impossible de passer sous silence la faillite de la filiale logistique belge, intervenue fin mars, qui alimentait directement tous les magasins du réseau français. Selon des sources proches du dossier, cet arrêt brutal a mis à genoux la chaîne d’approvisionnement, déjà fragilisée par des années de baisse de fréquentation et des marges en recul.

700 emplois menacés dans l’hexagone

Ce sont environ 700 salariés – 577 en contrat à durée indéterminée et près de 100 contrats précaires – qui voient leur avenir professionnel soudainement basculer. Les magasins restent ouverts jusqu’à la décision définitive du tribunal attendue ce 27 juin, servant désormais de simples points de liquidation. Des remises allant jusqu’à -60% y sont pratiquées, signe d’une déroute assumée.

« L’arrivée de ce discounter nous a fait du mal. On a vu notre chiffre s’effondrer en six mois. Les clients nous disaient qu’on était ‘trop cher pour la même chose’. C’est dur quand on donne 20 ans de sa vie à faire tourner un magasin pour finir comme ça ».
— Julie M., responsable de magasin depuis 2006

Une absence de repreneur viable

À la date butoir fixée pour le dépôt des offres de reprise, seules deux propositions avaient été soumises au tribunal. Elles concernaient une poignée de magasins, essentiellement dans le sud de la France. Aucune ne comprenait une reprise du siège ou des services supports. Conséquence : aucune activité centrale ne sera maintenue, aggravant la casse sociale.

D’après les autorités judiciaires, les offres transmettées ne respectaient ni les exigences de solvabilité, ni une viabilité à long terme. Et les délais serrés imposés par la situation laissaient peu de marges de manœuvre. Les critères d’évaluation des dossiers, tels que définis par le ministère de l’Économie, fixent en effet des obligations claires : pérennité des emplois et solidité financière avant tout.

Le poids discret mais réel de la concurrence discount

Peut-on vraiment parler d’un acteur précis ayant précipité la faillite de Casa ? Pas directement. Pourtant, entre les allées clairsemées de ses boutiques et les promotions définitives affichées en vitrine, difficile de ne pas regarder du côté des discounters. On pense notamment à l’arrivée massive d’enseignes axées sur les produits à bas coût, ne serait-ce que sur les périphéries commerciales concurrentes.

Le rapport publié par le service de statistique de l’INSEE en 2024 sur la structure de la distribution en France montrait clairement que le modèle discount progressait de +8,3% par an, contre -2,1% pour les enseignes traditionnelles du secteur maison-déco. Ces chiffres mettent en perspective la difficulté structurelle rencontrée par Casa France.

  • Offres de décoration à très bas prix présentes dans les grandes surfaces alimentaires
  • Explosion de l’offre e-commerce (temu, shein, Amazon Basics…)
  • Retournement des modes de consommation vers l’essentiel

Les salariés face à une fin brutale

Certains collaborateurs de Casa affichaient plus de deux décennies d’ancienneté. « On a grandi avec l’enseigne » nous ont confié plusieurs d’entre eux. Pour l’instant, aucune cellule de reclassement généralisée n’a été annoncée, même si des dispositifs sont prévus par le ministère du Travail pour les entreprises en cessation d’activité.

La mission d’accompagnement devrait théoriquement passer par l’intervention de Pôle Emploi et des cellules régionales de reconversion. Mais ces dispositifs sont longs à déployer, et l’angoisse reste palpable du côté des salariés rencontrés.

Casa France, le dernier maillon à céder

En réalité, le modèle économique de Casa avait été remis en question bien avant la liquidation. Dépendance logistique, rythme d’adaptation trop lent, absence d’actualisation du concept magasin… tous les voyants étaient déjà faibles. La crise belge n’a été qu’un dernier coup de massue, désorganisant une architecture logistique déjà fragilisée.

Les magasins restants poursuivent leurs soldes jusqu’à extinction complète des stocks. Quant à la concurrence, elle semble avoir déjà pris le relais, avec plusieurs acteurs prêts à récupérer les emplacements vacants.

Quels sont les principaux défis auxquels Casa France a dû faire face ?

La dépendance à une chaîne logistique unique via la Belgique s’est avérée désastreuse à la suite de la liquidation de cette filiale. Ajoutez à cela un manque d’investissement dans les outils numériques, une baisse de fréquentation et une concurrence agressive.

Quelles sont les perspectives pour les salariés de Casa France après la liquidation judiciaire ?

À court terme, il s’agit d’un licenciement économique pour la majorité. Un accompagnement via Pôle Emploi est programmé. Des cellules de reclassement devraient être mises en place, mais leur efficacité dépendra des moyens alloués localement.

Comment les autres enseignes de déco et d’ameublement réagissent-elles à la situation de Casa France ?

Plusieurs enseignes concurrentes surveilleraient de près le sort des anciens magasins Casa. Certains groupes envisageraient de reprendre quelques emplacements stratégiques, mais sans que cela ne débouche sur une politique de sauvegarde des emplois.

Quels sont les critères utilisés par le tribunal pour évaluer les offres de reprise ?

Les principaux critères sont la pérennité des emplois proposés, la solidité financière du candidat, le réalisme du projet, et la capacité à relancer l’activité à moyen terme. Si ces conditions ne sont pas réunies, le tribunal peut refuser l’offre.

Quelles mesures Casa France a-t-elle prises pour tenter de sauver ses magasins ?

Un redressement judiciaire avait été engagé en avril 2025. Des campagnes de liquidation massive ont été lancées afin d’attirer du trafic. Des cessions de magasins non rentables avaient également été envisagées mais aucun projet global n’a pu émerger.

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