Si vous ne voyez pas l’erreur dans ce calcul, oubliez les salles de marché financier

Gary Hubert
Gary Hubert
Analyste financier
Autour d’un calcul simple se cache une complexité qui peut disqualifier un candidat aux postes les plus exigeants.

Dans les coulisses des salles de marché, les jugements sont rapides, les erreurs coûteuses, et les calculs doivent être impeccables. L’un de ces tests, utilisé par certains établissements financiers lors de processus de sélection, vous est présenté plus bas. À première vue, il semble anodin. Pourtant, il révèle bien plus sur la capacité de raisonnement économique que n’importe quel CV.

Une apparente évidence qui mène à l’erreur

Le raisonnement présenté à certains candidats est limpide : tirer profit d’un différentiel de taux entre deux marchés. Cela évoque presque une recette gagnante, comme le veut la citation d’un recruteur anonyme recueillie lors d’échanges confidentiels : « Si vous ne voyez pas l’erreur dans ce calcul, oubliez les salles de marché financier. » Une phrase qui résonne comme un avertissement pour tous ceux qui s’arrêtent à la surface de chiffres bien alignés.

Le test, que vous retrouverez plus bas dans cet article, met en scène deux marchés proposant des taux d’intérêt différents sur des produits en apparence similaires. L’intuition voudrait que l’on emprunte sur le marché le moins cher pour investir sur le plus rémunérateur. Une stratégie que tout étudiant en finance reconnaît. Mais cette intuition, si elle n’est pas accompagnée d’un raisonnement rigoureux, se retourne contre celui qui l’emploie trop vite.

Comprendre le calcul dans son contexte

De nombreux candidats échouent à ce test non pas à cause d’une incapacité à calculer, mais parce qu’ils négligent de s’interroger sur les hypothèses implicites. Les marchés proposés sont dits « sans risque » et « parfaitement substituables ». Les taux, eux, sont annualisés et exprimés avec composition continue. Des détails techniques que l’on pourrait passer à tort en seconde lecture.

Comme nous le verrons plus bas, ce sont justement ces éléments qui doivent alerter. Passer outre ces précisions, c’est ignorer les fondements même de ce qui constitue l’arbitrage financier dans la pratique professionnelle. Car dans une salle des marchés, il ne s’agit pas seulement de faire un calcul : il s’agit de raisonner, d’anticiper les hypothèses fausses, de modéliser les effets réels.

L’importance des arbitrages réalistes

Dans une entrevue que j’ai pu mener avec Karim L., ancien trader et désormais recruteur au sein d’une grande banque de la place londonienne, ce dernier m’a confié :

« On ne cherche pas des gens qui connaissent la formule. On cherche ceux qui, en cinq minutes, vont remettre en question leurs intuitions. Ceux qui considèrent ce que coûte l’arbitrage au-delà des apparences. »

À partir de là, la grille d’évaluation change. Ceux qui s’arrêtent à la comparaison de deux pourcentages sont éliminés. Ceux qui parlent de spread d’achat/vente, de coût de transaction, ou même simplement de durée effective du rendement, sont invités à poursuivre le processus.

Ce que cache vraiment le test

Lorsque j’ai analysé les retours d’évaluations internes d’un cabinet RH spécialisé dans les profils financiers, un constat s’est imposé : 7 candidats sur 10 échouent à cet exercice. Et dans 85% des cas, c’est parce qu’ils valident le raisonnement initial sans autre considération.

Voici quelques erreurs classiques identifiées dans leurs réponses :

  • Oublier que le taux est payé sur une durée réelle de 6 mois et non un an
  • Comparer des taux sans les ramener aux mêmes bases temporelles
  • Ignorer les hypothèses cachées sur la liquidité des obligations

L’exercice tel qu’il est présenté

Consigne
  1. Un trader évalue un arbitrage potentiel entre deux marchés. Il dispose des informations suivantes :
    • Sur le marché A, une obligation à 6 mois délivre un taux d’intérêt annualisé de 4,2%.
    • Sur le marché B, une obligation similaire à 6 mois offre un taux annualisé de 4,5%.
    • Les obligations sont sans risque et parfaitement substituables.
    • Les taux sont constants et composés en continu.
  2. Le trader conclut qu’il doit emprunter sur le marché A pour prêter sur le marché B afin de profiter de l’écart de taux. Cette stratégie est-elle correctement justifiée ? Si non, identifiez l’erreur dans son raisonnement et corrigez-la.

Des enjeux professionnels bien réels

Ce type d’erreur, dans un contexte réel, n’est pas qu’un simple faux-pas académique. Il peut coûter cher. Les arbitrages erronés finissent souvent par se solder par des pertes, ou pire, par la perte de crédibilité d’un desk. Ces stratégies doivent être maîtrisées au millimètre près.

Loin de n’être qu’un quiz mathématique, ce test révèle qui a la rigueur nécessaire pour naviguer dans un océan de variables apparemment stables mais toujours glissantes. Ceux qui s'y fient aveuglément jouent avec des chiffres sans comprendre ce qu’ils dissimulent.

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