Depuis quelques semaines, la rumeur enfle dans les allées des parcs canins comme dans les couloirs des compagnies d’assurance. Des milliers de maîtres de chiens seraient sur le point d’être exclus de leur assurance, et huit races seraient désormais ciblées. Le chiffre de 670 000 propriétaires mentionné par certains médias fait frémir. La réalité est un peu plus complexe. J’ai mené l’enquête.
Une pression qui monte chez les assureurs
Juillet 2025 marquerait un tournant pour une partie des propriétaires de chiens dits « dangereux » en France. En cause : l’application plus stricte de certaines clauses par des compagnies d’assurance, qui révisent leurs critères de couverture responsabilité civile, en particulier pour certaines races définies par la loi ou jugées à risque accru selon leurs statistiques internes.
En France, deux catégories de chiens sont concernées par une réglementation spécifique, instaurée par la loi de janvier 1999. Les chiens de catégories 1 et 2 doivent obligatoirement faire l’objet d’une déclaration en mairie, d’un permis de détention et d’une assurance responsabilité civile. Or, selon plusieurs sources, certaines compagnies se montreraient désormais réticentes à continuer de couvrir ces profils particuliers, invoquant « une hausse des sinistres ».
Les races concernées par un durcissement implicite
Il n’existe pas à proprement parler de liste officielle commune à toutes les assurances excluant formellement huit races. Néanmoins, certains assureurs, dont les noms ne m’ont pas été confirmés officiellement, ajustent ou résilient actuellement des contrats incluant des chiens appartenant aux catégories déclarées « sensibles ».
Les races visées correspondent aux catégories réglementées, mais peuvent s’élargir selon les politiques internes d’assureurs. Voici les principales ciblées :
- American Staffordshire Terrier (Pitbull)
- Mastiff ou Boerbull
- Tosa
- Rottweiler
- Chiens de type Rottweiler non LOF
- Dogue argentin (selon certains assureurs)
- Doberman
- Chien-loup tchécoslovaque (cas signalés)
Officiellement, seuls les chiens classés par l’article L211-12 du Code rural sont soumis aux obligations spécifiques. Mais certaines compagnies, à l’image de ce que révélait Radio-Canada en 2017 pour le Québec, commencent à développer leurs propres critères de risque, sortant du cadre strictement légal français.
Des résiliations ciblées dès juillet ?
Le chiffre de 670 000 propriétaires menacés de résiliation repose selon toute vraisemblance sur une extrapolation à partir du nombre estimé de chiens identifiés comme dangereux ou fortement typés morphologiquement. Selon les données accessibles via agriculture.gouv.fr, seuls quelques milliers de permis de détention ont été délivrés chaque année depuis la mise en place du cadre légal, bien loin de 670 000 détenteurs.
Mais la crainte est suffisante pour que des propriétaires, notamment ceux de chiens de type Rottweiler ou croisés American Staffordshire, voient leurs contrats passés à la loupe, voire dénoncés.
« J’ai reçu un courrier de mon assureur en avril dernier, m’indiquant que mon contrat allait être résilié à l’échéance car mon chien est un ‘risque aggravé’. C’est un croisé Staff, il est stérilisé et a passé son évaluation sans souci. Je le déclare chaque année… Ils n’ont même pas voulu discuter, » me raconte Claire Delattre, une propriétaire de chien à Montreuil.
Une réalité variable selon les compagnies
Contactées, certaines compagnies évoquent off-record des mesures de précaution ou une volonté de « limiter l’exposition aux risques de sinistres complexes ». D’autres affirment ne pas avoir de politique de refus par race, mais conditionnent la couverture à la présentation du permis de détention, de l’attestation de stérilisation (cat. 1) ou de l’évaluation comportementale (cat. 2).
Pour évaluer la tendance, j’ai croisé les conditions générales de contrats accessibles en ligne auprès de plusieurs assureurs généralistes français : certains excluent explicitement toute couverture des chiens de catégorie 1, d’autres l’autorisent conditionnée au respect strict de la réglementation. La sélection s’effectue donc au cas par cas, sans politique uniforme à l’échelle nationale.

Des sanctions bien réelles pour les propriétaires hors des clous
Si la résiliation d’assurance n’est pas encadrée de manière spécifique pour les chiens dangereux, toute détention sans assurance constitue une infraction. Selon la préfecture de Savoie, cela peut entraîner jusqu’à 3 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. En cas de morsure ou d’agression sans couverture, les conséquences juridiques et financières peuvent être lourdes et immédiates.
Vers une réforme structurelle ?
Plusieurs voix s’élèvent au sein des associations de maîtres de chiens catégorisés et de vétérinaires comportementalistes pour demander une mise à jour du système. Cette classification par race, critiquée pour son manque de fiabilité comportementale, est remise en question depuis des années, sans consensus politique.
Le CREL rappelle que des aménagements législatifs sont en cours de réflexion, notamment sur l’adaptation de l’évaluation comportementale à certains cas qui ne présentent, objectivement, aucun danger.
Quelles sont les sanctions pour posséder un chien interdit en France ?
La détention d’un chien de catégorie 1 sans permis ni déclaration expose le propriétaire à une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros et six mois de prison. Le chien peut aussi être saisi.
Comment obtenir un permis de détention pour un chien de catégorie 1 ?
Il faut fournir une évaluation comportementale, un justificatif de stérilisation (cat. 1 obligatoire), une attestation d’aptitude du maître délivrée après une formation, et une preuve d’assurance.
Quelles races de chiens sont considérées comme dangereuses en France ?
La loi distingue deux catégories : la première concerne les chiens d’attaque non LOF comme les types Pitbull ou Boerbull, la seconde inclut notamment le Rottweiler ou l’American Staffordshire Terrier inscrit au LOF.
Quels sont les critères pour qu’un chien soit classé comme dangereux ?
La classification repose sur des critères morphologiques, l’inscription au LOF, et parfois l’évaluation comportementale pour décider d’un classement spécifique en préfecture.
Quelles sont les obligations légales pour les propriétaires de chiens de catégorie 2 ?
Elles incluent le permis de détention, la déclaration en mairie, le port de la muselière en public, l’évaluation comportementale du chien et une assurance responsabilité civile en cours de validité.