Livret A : les Français désertent massivement ce placement en avril, pire mois enregistré depuis 2016

Mathias Debroize
Mathias Debroize
Master 2 en finance, régulateur des marchés financiers
Alors que les livrets d’épargne faisaient figure de valeur sûre, un vent de désenchantement semble souffler sur les habitudes financières des Français.

Une désaffection silencieuse mais massive se fait sentir. Depuis quelques mois, les indicateurs s’inversent : les épargnants révisent leurs préférences, bousculant un pilier historique de l’épargne populaire.

Des retraits records sur le Livret A en avril

Le Livret A vient d’enregistrer un mois d’avril très sombre : 200 millions d’euros de retraits nets, du jamais vu à cette période depuis 2009, selon les derniers chiffres publiés par la CDC (Caisse des dépôts). Ce recul, encore discret dans les débats publics, signale un glissement perceptible dans la dynamique de l’épargne française.

Contrairement à ce que le titre laisse entendre, la pire performance enregistrée pour un mois d’avril remonte plutôt à 2009. En revanche, si l’on considère la période de janvier à avril, la tendance 2025 est bel et bien l’une des plus faibles depuis 2016. Ce glissement fait écho à la stagnation généralisée des livrets réglementés.

« J’ai vidé mon Livret A, je préfère garder mon argent sur mon compte courant ou le placer ailleurs. Quand on voit l’inflation, laisser dormir son argent là revient à le perdre », explique Sylvie M., 54 ans, cadre dans la fonction publique. « Ce n’est plus un réflexe, c’est une alerte. »

Pourquoi les Français quittent-ils le Livret A ?

Un taux passé sous le seuil psychologique

Le Livret A a perdu de sa superbe depuis que son rendement a été abaissé à 2,4% en février. Et la suite s’annonce plus rude : le gouverneur de la Banque de France a confirmé une probable baisse à 1,70% en août 2025 (Capital).

À ce niveau, un compte rempli à hauteur du plafond (22 950 €) ne rapporterait plus que 390 € par an, contre 551 € début 2024. Ce changement compromet la fonction refuge du Livret A pour les petits épargnants.

Une inflation toujours menaçante

Depuis 2021, l’inflation cumulée dépasse les 7 %, selon l’INSEE. Durant cette période, les taux du Livret A n’ont jamais permis de compenser la perte de pouvoir d’achat :

  • 2022 : taux moyen à 1,38 % contre inflation proche de 5 %
  • 2023 : taux moyen à 2,74 % pour 4,9 % d’inflation annuelle
  • 2024-2025 : baisse du rendement face au retour de l’inflation aux alentours de 2,9 %

Le décalage croissant pousse les épargnants à revoir leur stratégie patrimoniale.

Des mesures bancaires anxiogènes

Un autre élément a perturbé les détenteurs de Livret A : depuis le 28 avril 2025, les banques doivent geler les comptes dépassant 23 500 € sans justificatifs de revenus (Le Tribunal du Net). Cette mesure a alimenté une incertitude quant à la liquidité du placement.

L’assurance vie capitalise sur l’hémorragie

Alors que le Livret A décroche, l’assurance vie – notamment en fonds euros – connaît des afflux records. Selon le site Les Singuliers de Sète, les montants collectés en mars sur ces produits ont dépassé 3,8 milliards d’euros, un sommet depuis près d’une décennie.

Les raisons sont simples :

  • taux servis plus stables et parfois supérieurs à 3 %
  • fiscalité avantageuse à partir de 8 ans de détention
  • meilleure protection contre l’inflation avec certains fonds dynamiques

En parallèle, les encours Livret A + LDDS n’ont augmenté que de 3,6 milliards d’euros sur les 4 premiers mois de 2025, contre 11,3 milliards sur la même période en 2023.

Vers une redéfinition des livrets réglementés ?

Face à cette décollecte persistante, plusieurs pistes circulent à Bercy. Un rapport parlementaire évoque une fusion entre le Livret A et le Livret d’Épargne Populaire (LEP), mieux rémunéré mais moins connu.

L’enjeu : proposer un taux réaliste pour les ménages modestes tout en limitant la fuite des capitaux. Car le LEP ne fait pas exception : en avril, il a affiché une sortie nette de 1,96 milliard d’euros.

Quelles sont les alternatives aux Livrets A pour les épargnants français ?

Outre l’assurance vie, les plans d’épargne logement (PEL) ouverts avant 2011 offrent des taux fixes plus élevés. Les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) proposent également un rendement stable autour de 4 à 5 %, avec un risque modéré mais réel.

Pourquoi les Français préfèrent-ils l’assurance vie au Livret A ?

Les raisons principales sont : performance potentielle plus élevée, fiscalité avantageuse au-delà de 8 ans, et liberté dans la gestion des fonds (fonds euros ou unités de compte).

Quels sont les impacts économiques de la baisse du taux du Livret A ?

La baisse du rendement entraîne une perte d’attractivité de l’épargne réglementée, et peut détourner l’épargne vers des produits moins sécurisés. Cela affecte aussi le financement du logement social, partiellement adossé aux fonds du Livret A.

Comment la Caisse des dépôts gère-t-elle la crise du Livret A ?

La CDC surveille l’évolution des flux et tente d’ajuster ses investissements. Avec moins de collecte, elle devra revoir ses allocations de prêts à long terme, notamment vers le logement social et les collectivités locales.

Quelles mesures le gouvernement pourrait-il prendre pour renforcer l’attractivité du Livret A ?

Plusieurs scénarios sont envisagés : revalorisation temporaire du taux, abaissement des seuils de plafonnement, incitations fiscales pour certains profils, ou refonte globale du modèle des livrets réglementés.

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