« J’ai cru halluciner ! » confie Julien Lambert, un trentenaire passionné de brocantes. En fouillant distraitement son vide-poche début août, il tombe sur une pièce de 2 centimes d’euro qui, à première vue, n’a rien de particulier. Pourtant, quelques semaines plus tard, il affirme l’avoir vendue pour pas moins de 72 000 euros.
Une anomalie métallique au coeur de la transaction
Ce qui a suscité l’intérêt des collectionneurs, selon Julien, c’est un défaut de fabrication frappant : la pièce serait « mal centrée, avec le motif visiblement décalé et des irrégularités à l’arrière ». D’après lui, un spécialiste rencontré dans une bourse aux monnaies confirme rapidement qu’il s’agit potentiellement d’une pièce fautée rare, sans pour autant garantir une valeur concrète.
« Je n’avais jamais accordé d’attention aux centimes, mais celle-ci avait quelque chose d’étrange. Je me suis dit, pourquoi ne pas montrer ça à quelqu’un du milieu ? » s’étonne encore Julien.

Un marché souvent fantasmé
Intrigué par cette histoire, j’ai mené ma propre enquête. Les pièces de 2 centimes d’euro, même avec défauts, n’atteignent quasiment jamais de telles sommes. Le marché réel s’articule autour de montants bien plus modestes. Pour illustrer ce décalage, voici quelques évaluations retrouvées dans des catalogues spécialisés :
Type de pièce | Tirage | Valeur estimée (max) |
---|---|---|
2 centimes France régulière | Plusieurs millions | 1 à 2€ |
2 centimes hybride France-Grèce 2002 | 5 000 | 2 000€ |
2 centimes Lettonie 2016 | 5 000 | 400 – 600€ |
2 centimes Vatican Jean-Paul II | Environ 100 000 (coffrets) | 100 – 150€ |
La vente aux enchères : réelle ou récit enjolivé ?
Julien explique avoir vendu la pièce via une plateforme allemande spécialisée, dont il ne souhaite pas révéler le nom pour « préserver la transaction et la confidentialité de l’acheteur ». Aucune trace officielle de cette vente ne figure pour l’instant dans les bases de données des maisons de numismatique reconnues.
Interrogé à ce sujet, un commissaire-priseur exerçant à Paris m’a confirmé que « les pièces de 2 centimes d’euro, même fautées, se vendent rarement à plus de quelques centaines d’euros. Certains cas très rares peuvent franchir la barre des 2 000 euros si elles sont vraiment exceptionnelles, mais 72 000 euros, cela relève du mythe ou d’un marché totalement privé entre initiés ».
Pièces fautées : pourquoi elles intriguent
Le marché des erreurs monétaires attire certains collectionneurs fascinés par l’imprécision industrielle. Ces pièces peuvent présenter :
- Des coins décentrés
- Des flans déformés ou de mauvais métal
- Des inversions de face
- Des erreurs de pays d’émission (pièces hybrides)
Mais toutes les erreurs ne se valent pas. Le volume de frappe, l’anomalie spécifique et la provenance influencent le prix final bien plus que le simple fait d’être « différente ».

Un cas plutôt symbolique qu’exceptionnel
De nombreuses histoires circulent sur internet à propos de pièces soi-disant vendues à prix d’or. Et si certaines ventes se concluent bien à des montants élevés, la réalité du terrain reste bien plus terre-à-terre. Les chiffres orbitant autour des 1 000 à 2 000 euros constituent le plafond raisonnable selon plusieurs experts consultés.
Dans le cas de Julien, rien ne permet, à l’heure actuelle, de prouver de façon indépendante que la vente s’est bien faite pour la somme annoncée. Son témoignage interpelle, mais reste isolé. Il illustre surtout cette fascination contemporaine pour les trésors insoupçonnés — et l’idée tenace que le hasard peut transformer des centimes en lingots.
« Je comprends les sceptiques. Mais je peux vous dire que l’argent a bien été viré sur mon compte. Ça reste invérifiable, alors je préfère profiter discrètement plutôt que débattre. » conclut Julien, mi-amusé, mi-retraité des vide-greniers.
Alors, faut-il fouiller ses centimes ?
Oui, mais avec lucidité. Il existe de vraies anomalies recherchées par les collectionneurs. Certaines valent plusieurs centaines d’euros, rares sont celles qui dépassent mille. Quant aux pièces à 72 000 euros, si elles existent, elles sont à ce jour plus proches de la légende urbaine que des archives des maisons de vente.